Ils obtiendront réparation. Dans un arrêt rendu ce mardi, la cour d’appel de Bordeaux a reconnu le droit à l’indemnisation pour neuf vétérans. Ces militaires ont été irradiés lors des essais nucléaires français menés dans le Sahara algérien et en Polynésie entre 1960 et 1996. Le ministère de la Défense devra fournir « des propositions d’indemnisations des préjudices subis ».
Les « irradiés de la République »
Cette décision survient au terme d’un long combat associatif pour faire reconnaître le statut d’ « irradiés de la République » à ces victimes des essais nucléaires. Mais la bataille n’est pas gagnée. La procédure judiciaire incluait dix-sept dossiers. Huit n’ont donc pas obtenu gain de cause.
Pour eux, l’Association des Vétérans des Essais nucléaires (AVEN) de Gironde « réfléchit à poursuivre le combat en déposant des recours auprès du Conseil d’Etat, et s’il le faut jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) », a-t-elle indiqué à l’AFP.
Liste des pathologies recensées parmi les membres de l’AVEN
Un comité d’indemnisation critiqué
150 000 personnes, civils comme militaires, ont pu subir les radiations des 210 essais nucléaires menés par l’Etat français. En 2010, le gouvernement a fait voter une loi d’indemnisation des victimes (loi Morin du 5 janvier 2010), qui prévoit la création du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).
Ce comité est chargé d’évaluer la « probabilité de causalité » entre l’exposition aux tirs nucléaires et les pathologies développées par les vétérans à la suite de ces essais. Une tâche particulièrement difficile, alors qu’à l’époque, la plupart des militaires ne portaient pas de dosimètre et ne bénéficiaient d’aucune prise en charge spécifique. A ce jour, le Civen a reçu 911 demandes d’indemnisations. Seules seize ont abouti.
Sous le feu des critiques, le comité est accusé de freiner les procédures. Pour l’une des avocats des victimes, Cécile Labrunie, citée par le journal Le Monde « il est absurde de mettre en place un système d’indemnisation qui n’indemnise personne ».
« Torse nu, avec le champignon nucléaire en arrière-fond »
Au début des essais, les risques liés à l’exposition nucléaire restaient méconnus du grand public, comme en témoigne un vétéran de la marine nationale dans un reportage du journal de la chaîne Polynésie 1ère (voir ci-dessous). Il se prend en photo devant le champignon du tir nucléaire, insouciant.
Parmi les cas examinés à Bordeaux figurent des mécaniciens, des topographes, des radio-télégraphistes et des ambulanciers. Certains ont séjourné moins d’un an dans les régions d’essais ; d’autres y sont restés plusieurs années. Tous ont développé des pathologies graves, voire fatales.
Malgré cette victoire en demi-teinte, l’AVEN s’est réjouie des décisions rendues mardi. « C’est une véritable avancée pour nous, et cela veut dire que la justice est en marche, témoigne à l’AFP sa présidente Marie-Josée Floch. Ces décisions ont toutes les chances de faire jurisprudence, car plus de la moitié des demandes d’indemnisation rejetées initialement par le CIVEN ont eu gain de cause en appel ».
>> Témoignage d'un irradié indemnisé