ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Pour une interdiction des tests d'âge osseux

Sur les jeunes immigrés

Pour une interdiction des tests d'âge osseux

Par Marion Guérin avec Arnaud Aubry

Dans une tribune sur Le Monde.fr, un collectif composé, entre autres, de nombreux médecins, appellent à l'interdiction du test d'âge osseux sur les jeunes immigrés.

Images Distribution/NEWSCOM/SIPA

En une nuit, Boua Traoré a vieilli de cinq ans. Le tribunal pour enfants a décidé que le jeune malien arrivé à Nancy durant l'été 2014 n'avait pas 15 ans, comme le soutiennent ses papiers d'identité, mais 20. Les conséquences de cette décision ? L'Aide Sociale à l’Enfance, réservée aux mineurs, l’expulse sur-le-champ, avant que ce soit finalement le collège qui lui demande de ne plus revenir, comme on peut le lire dans l'Est Républicain.

Tout ça sur la foi d'un test osseux particulièrement décrédibilisé. Dans une tribune publiée aujourd'hui sur Le Monde.fr, un collectif appelle à l'interdiction « des tests d’âges osseux et autres examens uniquement physiologiques qui manquent de fiabilité pour déterminer leur âge légal », peut-on lire dans la tribune qui ajoute que ces jeunes gens sont « soumis à des tests d’âge osseux ainsi qu’à des examens physiologiques, notamment des organes génitaux, particulièrement dégradants pour ces jeunes filles et garçons ».

« Inadaptation de ces méthodes »
Un manque de fiabilité qui n'a pas empêché les tribunaux de statuer sur le sort de ces jeunes : depuis 2012, 8 mineurs étrangers isolés (MIE) ont été traduits devant les tribunaux, rien que dans la région lyonnaise. « Tous ont été condamnés en première instance à des peines de plusieurs mois de prison, assorties ou pas du sursis, à des années d’interdiction du territoire ainsi qu’à de lourdes sanctions financières (jusqu’à 260 000 €) », explique la tribune. Parmi les signataires, de très nombreux médecins dont Thierry Brigaud (président de Médecins du monde), ou Mégo Terzian (président de Médecins sans frontières). Vous pouvez retrouver la liste complète des signataires de la pétition sur le site de Réseau Education sans frontières.

Afin d'appuyer sa demande, le collectif s'appuie sur de nombreuses requêtes identiques faites depuis 10 ans : « Ainsi, dès juin 2005, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) soulignait « l’inadaptation de ces méthodes », comme l’avait fait auparavant la Défenseure des enfants. Tour à tour, l’Académie nationale de médecine, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Haut Conseil de la santé publique, le Défenseur des droits, ont émis sur ce point les plus expresses réserves. Récemment, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis du 24 juin 2014 préconisait de "mettre fin aux pratiques actuelles d’évaluation de l’âge" ».

Marge d'erreur de 2 ou 3 ans
Le protocole médico-légal pour déterminer l’âge d’une personne a été fixé il y a une cinquantaine d’années par l’article 232 du Code de Procédure Civile. Il est effectué en cas de doute sur la minorité du jeune, avec son consentement « libre et éclairé ». L’examen osseux consiste en une radiographie de face du poignet et de la main gauches. Il permet de détecter la présence de cartilage de conjugaison (également appelé cartilage de croissance), signe que le sujet n’a pas atteint sa maturité osseuse – soit environ 18 ans. Lorsque ce cartilage s’est ossifié, alors, la personne est considérée comme majeure.

Problème : pour se forger une idée de l’âge de la personne, le radiologue compare les clichés avec un atlas de référence, selon la méthode de Greulich et Pyle. Or, cet atlas a été conçu entre 1931 et 1942 sur une population nord américaine d’enfants issus de classe aisée. Il n’a jamais été remis à jour depuis, malgré les controverses qu’il suscite.

« On sait en effet aujourd’hui que le développement physique des jeunes qui ont subi de forts retards de croissance dans leur enfance, notamment du fait de la malnutrition et des traumatismes, ne peut être comparé à celui des jeunes qui n’ont pas eu la même histoire », peut-on lire dans la tribune. Dans les faits la marge d'erreur est de 2 ou 3 ans. Ce qui pourrait tout changer, pour Boua Traoré et les autres.