On s’en doute bien : absorber de l’alcool et des médicaments est une mauvaise idée. Et pourtant, nombreux sont ceux qui, régulièrement, associent les deux. De fait, l’information sur les interactions entre molécules thérapeutiques et éthanol semble mal comprise.
L’une des rares études à avoir récemment sondé ce phénomène a eu lieu aux Etats-Unis. Ses résultats seront diffusés dans le numéro de février de la revue Alcoholism : Clinical and Experimental Research. Les auteurs ont épluché les données nationales de 26 500 citoyens américains. Et selon leurs conclusions, près d’un consommateur d’alcool sur deux (42%) prendrait des médicaments incompatibles avec l’éthanol.
Des dangers méconnus
En France, 13% de la population boit quotidiennement de l’alcool ; 70% des 11-75 ans sont des consommateurs occasionnels, selon l’OFDT. « Associer alcool et médicaments est un phénomène très courant, explique Philippe Castera, médecin généraliste à Bordeaux et spécialiste des conduites à risques. D’une part, les alcolo-dépendants ont tendance à consommer plus de médicaments que les autres, notamment les anxiolytiques. D’autre part, il y a une méconnaissance des dangers liés aux interactions médicamenteuses ».
Une méconnaissance que partagent les consommateurs, les prescripteurs et les scientifiques. En première ligne, les médecins n’interrogent pas toujours leurs patients sur leur usage de l’alcool, a fortiori lorsqu’il est modéré. II arrive souvent qu’ils prescrivent des médicaments contre-indiqués sans effectuer de bilan de consommation. « L’alcool est une pratique banalisée, considérée comme normale. Les médecins peuvent craindre d’être intrusifs et de rompre l’alliance thérapeutique en posant ces questions », poursuit Philippe Castera, qui estime que le pharmacien a aussi un rôle à jouer, notamment pour toutes les molécules disponibles sans ordonnance.
Ecoutez Philippe Castera, médecin généraliste à Bordeaux : « Faute de temps, les médecins renouvellent les ordonnances sans vérifier la consommation d’alcool du patient. Le repérage est sous-effectué ».