Mobilisés contre le projet de loi de Santé de Marisol Touraine, les médecins libéraux se sont massivement mis en grève à Noël. Une mobilisation qui pourrait avoir profité aux pharmaciens selon les chiffres dévoilés ce mardi par l'industrie pharmaceutique.
224 millions d'€ de chiffres d'affaires
Les données issues du 13ème baromètre des produits d'automédication, réalisé par l’Afipa (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) en collaboration avec Celtipharm (1) révèlent que marché de l’automédication reste stable : -0,4% en valeur et -0,7% en volume.
Mais le fait marquant de l'année s'est produit au mois de décembre où le secteur de l’automédication a connu un véritable retournement du marché, enregistrant des ventes record à hauteur de 224 millions d'euros. « Le chiffre d’affaires le plus important depuis 10 ans ! », écrit l'Afipa dans un communiqué.
La grève des généralistes comme explication
Pour expliquer cette augmentation record, l'association indique que « plus de 8,2 millions d'euros des ventes sont imputables à la grève des généralistes à Noël. » En comparaison du mois de décembre 2013, le marché de l'automédication a ainsi connu une hausse de +12,6 % en décembre 2014. Les médicaments traitant les affections des voies respiratoires et les anti-douleuleurs (antalgiques) ont largement participé à ce boom des ventes.
Interrogé par pourquoidocteur, le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF, principal syndicat de médecins libéraux, explique que même pour traiter les maux de l'hiver (rhinopharyngites, gastroentérites, ...), l'automédication n'est pas sans danger. Le risque majeur réside dans des associations hasardeuses de différents principes actifs qui peuvent interagir les uns avec les autres. « Il n'y a pas de petits bobos de l'hiver. Si vous prenez de l'ibuprofène et que vous avez un estomac sensible vous pouvez faire un ulcère gastrique. Je rappelle que contrairement au médecin généraliste, le pharmacien ne connaît pas les antécédents du patient »,souligne le médecin.
Évolution du nombre de tickets de ventes sur le marché de l'automédication par segment en décembre/janvier 2013 et 2014
Source : Afipa
L'automédication coûteuse pour les patients ?
Dans un communiqué de presse, Pascal Brossard, Président de l’Afipa, indique que des enseignements sont à tirer de cette situation : « Le mouvement des généralistes a engendré un transfert des consultations du médecin vers le pharmacien pour le traitement des cas bénins. Au-delà de ce contexte particulier, il apparaît évident que ce mode de prise en charge des pathologies courantes permettrait de désencombrer les cabinets médicaux et les services d’urgence, qui pourraient se concentrer sur les cas les plus graves et le suivi des maladies chroniques », estime-t-il.
Il conclut : « Cet épisode a permis d’éprouver le modèle d’organisation proposé de longue date par l’Afipa où l’automédication responsable constitue la première étape du parcours de soins.»
Un point de vue que ne partage pas le Dr Luc Duquesnel pour qui ce modèle comporte de nombreux désavantages, en tout cas pour le patient.
Ecoutez le Dr Luc Duquesnel, président de l'UNOF-CSMF : « Je ne pense pas que les usagers puissent s'en réjouir car ce sont des médicaments non remboursés qui en plus coûtent très chers. »
1) Réalisé auprès du panel Xpr-SO® de Celtipharm, panel de 3 004 pharmacies représentatives du parc officinal français. Résultats en France métropolitaine hors Corse. Les données excluent les ventes sur ordonnance. Indicateurs réalisés à partir des ventes en automédication sur le conseil du pharmacien.