Accusé d'être un perturbateur endocrinien, le bisphénol A (BPA) est interdit en France. Depuis le 1er janvier 2015, cette substance chimique de synthèse n'a, en effet, plus droit de cité dans les produits de consommation, les contenants alimentaires et les tickets de caisse. Elle avait déjà été interdite en 2013 pour les produits destinés aux bébés et aux enfants en bas âge (biberons, jouets...).
Mais pour quel bénéfice ? Aucun, selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui affirme ce mercredi que « l’exposition au bisphénol A ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs. »
Pas de risques pour les enfants à naître
En effet, la réévaluation complète par l'EFSA de l'exposition au BPA et de sa toxicité a permis de conclure qu’aux « niveaux actuels d’exposition », le BPA ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs « de tous les groupes d'âge » (y compris les enfants à naître, les nourrissons et les adolescents).
Par ailleurs, l'EFSA indique que l'exposition par voie alimentaire ou par l’intermédiaire d'une combinaison d’autres sources (alimentation, poussière, cosmétiques et papier thermique) est considérablement inférieure au niveau sans danger (la « dose journalière tolérable » ou DJT).
Baisser encore le seuil de sécurité
Mais paradoxalement, alors que l'EFSA réhabilite le BPA, elle émet aussi des recommandations pour les pays européens qui n'ont pas adopté la législation de prohibition promue par la France. L'Agence européenne préconise ainsi de diviser par douze le seuil de sécurité pour l'exposition humaine. Tout en précisant que l'exposition humaine réelle au bisphénol A, également présent notamment dans des tickets de caisse, est de trois à cinq fois inférieure à ce nouveau niveau sans danger.
Elle recommande ainsi que ce nouveau seuil, ou dose journalière tolérable (DJT), soit ramené à 4 microgrammes par kilo de poids corporel contre 50 actuellement.
Des effets cancérogènes peu probables
Cela veut-il dire que le produit n'est donc pas dénué de tous risques ? L'Agence pointe des incertitudes sur les effets sanitaires « potentiels » du BPA sur la glande mammaire ainsi que sur les systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire, et ses effets indésirables « possibles » à haute dose pour les reins et le foie.
Pour l'Europe, ces effets, ainsi qu'une possible incidence sur le développement de cancers, notamment du sein, sont considérés comme « peu probables mais n'ont pas pu être exclus. » Le BPA pourrait aussi avoir « des effets sur la glande mammaire chez les animaux », précise l'EFSA.
A la suite de ces conclusions, la Commission européenne a indiqué qu'elle allait « évaluer » cet avis en vue de possibles mesures additionnelles pour actualiser la réglementation.
Les autorités françaises réagissent
S'agissant de la France, la réaction de l’ Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ne s'est pas fait attendre. Elle a publié ce mercredi un communiqué de presse dans lequel elle indique que cette différence entre les conclusions proviendrait de « divergences d’appréciation, notamment concernant la prise en compte des incertitudes, ainsi que des différences d’interprétation dans l’analyse des études disponibles ».
Les deux Agences « se sont rencontrées à plusieurs reprises afin de travailler sur ces points de divergence » qui, malgré « la qualité des échanges », persistent.
La députée européenne française Michèle Rivasi, du groupe des Verts, a pour sa part dénoncé une « expertise caricaturale » qui inflige un « camouflet à l'Anses. Pour ne pas défavoriser l'industrie, l'Efsa fait le tri dans les études scientifiques. » La député regrette que l'Agence européenne n'applique pas le principe de précaution en faveur de ses citoyens.