Le bisphénol A, inoffensif ? La France a de sérieux doutes. Alors que l’interdiction de cet agent chimique vient d’entrer en vigueur dans le pays, l’Agence européenne de sécurité des aliments (l’Efsa) a produit un rapport pour le moins étonnant ce mercredi.
« Pas de risques »
Dedans, elle se montre soudainement clémente envers le bisphénol A, honnis il y a encore peu de temps, y compris au sein de sa propre communauté scientifique. Réputé pour perturber le système hormonal et provoquer des cancers, ce produit est présent dans de nombreux éléments de consommation du quotidien (produits alimentaires, cosmétiques, tickets de caisse…). L’Europe a d’ailleurs interdit sa présence dans les biberons en 2011.
Mais pour l’Efsa, « l’exposition au bisphénol A ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs ». L’agence préconise pourtant d’abaisser les seuils de sécurité pour l’exposition humaine.
Les lobbies pointés du doigt
« Je suis très surprise, a déclaré Ségolène Royal à l’AFP. Cet avis va à l'encontre d'avis d'autres structures qui, depuis des années » pointent les risques liés à l'exposition au Bisphénol A, a-t-elle souligné.
La ministre de l’Ecologie, qui a piloté la réforme pour interdire le produit de synthèse en France, va demander à l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) de se pencher sur les conclusions de l'Efsa. Et ce, « pour voir si le poids des lobbies n'est pas intervenu dans sa publication », a-t-elle précisé. La députée européenne française Michèle Rivasi, du groupe des Verts, a pour sa part dénoncé une « expertise caricaturale », qui « inflige un camouflet à l'Anses ».
Des zones d’ombre
Cette dernière a elle aussi réagi dans un communiqué ce mercredi. Elle indique que les différences dans les conclusions des deux agences proviendraient de « divergences d’appréciation, notamment concernant la prise en compte des incertitudes, ainsi que des différences d’interprétation dans l’analyse des études disponibles ».
D’ailleurs, l’Efsa ne nie pas la présence de zones d’ombre. Dans son rapport, elle pointe tout de même les effets sanitaires « potentiels » du BPA sur la glande mammaire ainsi que sur les systèmes reproductif, métabolique, neurocomportemental et immunitaire, et ses effets indésirables « possibles » à haute dose pour les reins et le foie. Des effets qu’elle considère « peu probables », sans toutefois les exclure.
BPA chez la femme enceinte
Les études scientifiques se sont multipliées ces dernières années pour étudier plus précisément ces effets. Leur toxicité est assez rarement remise en cause. La dernière en date a été publiée par la revue Endocrinology.
Elle montre cette fois que l’exposition au bisphénol A pendant la grossesse génère des doses anormales de stress oxydant au sein de l’organisme de la mère et du foetus. Cette exposition augmenterait les risques pour l’enfant de développer au cours de sa vie un diabète ou une maladie cardiaque.