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Anomalie cérébrale

Le cerveau des psychopathes peu sensible aux punitions

Par la rédaction

Le cerveau des criminels atteints de psychopathie réagit différemment aux punitions et aux récompenses, selon une étude canadienne. 

Capture d'écran - affiche du film The Shining, Stanley Kubrick
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Le châtiment a ses limites. Chez les criminels psychopathes, il ne produirait pas les mêmes effets que chez des sujets sains, selon une étude menée à l’Université de Montréal et publiée dans la revue The Lancet Psychiatry. En cause : une différence de schéma cérébral.  

« Dans les pénitenciers canadiens, un détenu sur cinq reçoit un diagnostic de psychopathie, explique Sheilagh Hodgkins, chercheuse à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Or, ce type de profil présente des taux supérieurs de récidives et ne répond pas bien aux programmes de réhabilitation ».

Des personnes régulièrement punies
Partant de ce constat, les scientifiques ont tenté de comprendre comment le cerveau de ces détenus réagissait à la punition, notion essentielle dans le passage à l’acte. « La plupart des gens ne se jettent pas sous un bus car ils s’imaginent la gravité des conséquences d’un accident. Les criminels ne le font pas non plus, ce qui laisse entendre qu’ils apprennent des punitions. Ils n’y sont pas moins sensibles que les autres », précise Sheilagh Hodgkins.

Ils y sont aussi particulièrement exposés. « Pendant l’enfance, ces profils - psychopathes ou non - sont régulièrement punis par leurs parents et leurs professeurs parce qu’ils ne respectent pas les règles ou agressent les autres. A l’adolescence, ils sont fréquemment incarcérés. Ils persistent néanmoins à adopter un comportement violent, que les punitions ne semblent pas parvenir à modifier ».

Anomalies dans la matière grise et la substance blanche
Les sujets de l’étude ont été recrutés par le biais des services pénitenciers britanniques. Le groupe comprenait 12 criminels violents avec troubles de la personnalité antisociale et psychopathie, 20 criminels violents, mais sans symptôme psychopathique, et un groupe témoin de 18 hommes exempts de tout passé criminel et en bonne santé. Les détenus ont été reconnus coupables de meurtres, viols, tentatives de meurtre, infractions ayant entraîné des lésions corporelles.

Au cours de l’examen, les chercheurs ont observé leur cerveau à l’IRM (imagerie par résonance magnétique). Dans un premier temps, ils ont regardé sa structure et ont découvert plusieurs anomalies au niveau de la matière grise et de la substance blanche chez les sujets psychopathes. La première est impliquée dans le traitement de l’information et les processus cognitifs, quand la seconde coordonne la transmission de l’information entre les différentes parties du cerveau.


Cliché IRM d'un cerveau  - Source : info-radiologie.ch

« Nous avons observé un plus faible niveau de matière grise dans le cortex préfrontal antérieur et dans des zones des lobes frontaux », expliquent les auteurs de l’étude. Ces zones sont associées à l’empathie, au traitement des émotions prosociales comme la culpabilité, l’embarras, le raisonnement moral. Quant à la substance blanche, d’autres anomalies ont été révélées au niveau du cortex préfrontale médian et du cortex cingalaire postérieur, tous deux impliqués dans l’apprentissage au moyen de récompenses et de punitions.

Faible impact de la punition
Les sujets devaient ensuite exécuter des tâches simples permettant d’évaluer leur capacité à adapter leur comportement en fonction de ses conséquences positives ou négatives. Des points leur étaient attribués ou retirés selon leurs réponses à un jeu d’images. Les auteurs de l’étude ont noté des réactions anormales aux punitions et une activité cérébrale allant dans le sens de leurs premières observations. Les sujets non-psychopathes avaient, eux, des réactions similaires à celles du groupe témoin.

« Ces résultats suggèrent que le cerveau des criminels violents avec psychopathie est caractérisé par une organisation particulière du réseau de neurones qui sert à apprendre au moyen des punitions et récompenses, avancent les auteurs. Ces sujets pourraient ne considérer que les conséquences positives de leurs actes, en négligeant leurs effets négatifs ».

Ces conclusions pourraient expliquer pourquoi ils ont tendance à récidiver. Ils suggèrent également que la punition a un impact limité pour ce type de profil, qui « réagit faiblement aux menaces, reste froid et exerce une violence préméditée », quand le criminel violent non-psychopathe se montre « en général très sensible à la menace ainsi qu’aux comportements colériques et agressifs ».

Thérapies comportementales dès l’enfance
Si l’étude mérite d’être confrontée à d’autres, de plus grande envergure, elle a le mérite de d’interroger la société sur les réponses qu’elle apporte à ces profils spécifiques. En 2006, un rapport de la Haute Autorité de Santé pointait un désarroi des institutions françaises face aux personnalités psychopathiques, qui deviennent souvent la "patate chaude" entre les services sanitaires, sociaux et judiciaires.

Les auteurs de l'étude soulignent l'intérêt des thérapies comportementales (TCC) dans la prévention des comportements violents chez les personnes psychopathes. Elles doivent être mises en place le plus tôt possible, estiment les scientifiques qui s’appuient sur des travaux précédents montrant que les troubles psychopathiques surviennent au cours de l’enfance de l’adolescence. Une prise en charge précoce permettrait ainsi de modifier la plasticité du cerveau et d’agir directement et durablement sur les mécanismes en cause.

En France, la HAS a émis ces mêmes recommandations. Dans son rapport, elle s’alarme cependant d’un « risque de stigmatisation inhérent à toute politique de repérage précoce », mais  estime que « le risque de laisser des enfants en souffrance sans proposition de prise en charge est largement plus important. Cependant, dès lors que ces troubles des conduites peuvent annoncer des difficultés ou impasses de développement », elle recommande une « stratégie de repérage et de prévention non spécifique ». « Le repérage n'a de sens que s'il est accompagné d'une offre de prise en charge », conclut-elle.