L’adolescence ne serait pas l’adolescence sans sa crise. Mais que devient-elle lorsque le jeune est atteint d’une pathologie grave comme un cancer ? Alors que se tient ce mercredi la journée mondiale de lutte contre le cancer, l’Institut Curie de Paris met en avant une expérience pilote toute récente visant cette tranche d’âge. Le centre de lutte contre le cancer accueille chaque semaine depuis début octobre 2014 une association de jeunes patients pour donner la parole aux adolescents et jeunes adultes et favoriser leurs échanges.
Pizza party
Tous les mardi soir, entre 19h30 et 21 heures environ, autour de pizzas, le département d’oncologie pédiatrique, adolescents et jeunes adultes de l’Institut Curie accueille ce groupe de parole. « Deux membres de l’association sont présents. En général, un garçon et une fille », raconte Anne-Sophie Robineau, présidente de l’association. « On parle de la maladie mais surtout de ses à-côtés, pas toujours marrants, pas toujours sexy », ajoute cette jeune femme de 27 ans qui a eu un sarcome d’Ewing au niveau des côtes.
En pleine période de puberté et de modifications du corps, les adolescents vivent encore plus mal des atteintes physiques telles que la perte des cheveux liée aux traitements. Il est aussi difficile pour eux d’être confrontés à la possibilité de leur propre mort, ainsi qu’à la rechute ou au décès de jeunes patients autour d’eux. Il est enfin pénible d’être cloué au lit et dépendant des parents à une étape de leur vie où ils souhaitent prendre leur envol.
3ème cause de mortalité
Chaque année, 2500 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez les moins de 19 ans, avec en particulier 800 nouveaux cas estimés chez les adolescents âgés de 15 à 19 ans. Bien que rares, ces cancers constituent la troisième cause de mortalité chez les 15-19 ans.
Les types de cancer les plus fréquents chez les 15-19 ans sont les cancers du sang. Ils constituent 34 % des cas, avec en premier lieu les lymphomes de Hodgkin et les leucémies aiguës. Puis viennent toutes les tumeurs solides, atteignant la thyroïde, les ovaires et les testicules, les os et le système nerveux central (SNC). « Certains sont des cancers pédiatriques et d’autres plutôt des pathologies de l’adulte », indique à pourquoidocteur le Dr Dominique Valteau-Couanet, chef du département Cancérologie de l’enfant et de l’adolescent à l’Institut Gustave Roussy (IGR) à Villejuif (Val-de-Marne).
Plus mauvais pronostic
Certains cancers, comme la leucémie aiguë ou les tumeurs de l’os et du SNC, sont « de plus mauvais pronostic » quand ils surviennent chez l’adolescent que lorsqu’ils touchent l’enfant, avec « une survie qui peut être jusqu’à 5 ans inférieure », précise Jérôme Viguier, directeur du pôle « santé publique et soins » à l’Institut national du cancer (INCa).
Mais le Dr Viguier est optimiste. La survie globale à 5 ans des adolescents de 15 à 19 ans s’est améliorée en 20 ans pour passer de 62 % au début des années 1980 à 82 % au début des années 2000. « On sait de mieux en mieux les traiter », ajoute le spécialiste. « Avant, on ne parlait que de cancer pédiatrique et de cancer de l’adulte. Mais au cours des 10 dernières années, on a souhaité identifier les cancers de l’adolescent et du jeune adulte. Et le troisième plan cancer 2014-19 veut aller plus loin dans cette structuration », ajoute-t-il.
Des protocoles adaptés
Ces progrès passent notamment par l’adaptation des protocoles de traitement à la spécificité des adolescents. « Les oncopédiatres et les oncologues médicaux adultes partagent leur expérience pour offrir les meilleurs résultats avec le moins de séquelles possibles. Ils ont aussi en tête les conséquences à long terme », précise le Dr Valteau-Couanet. La préservation de la fertilité de ces adolescents qui sont en pleine puberté est l'un des sujets de préoccupation pour les médecins.
Ecoutez le Dr Dominique Valteau-Couanet, chef du département « cancérologie de l’enfant et de l’adolescent » à l’IGR : « Les protocoles adultes à l’heure actuelle comme dans le lymphome… »
Des équipes mobiles
Actuellement, les adolescents atteints d’un cancer sont traités soit dans des services de pédiatrie soit dans des unités adultes. Ils se retrouvent soit au milieu de plus jeunes soit parmi les plus vieux. A une étape charnière de leur vie. Mais certains centres ont mis en place des unités uniquement dédiées à la prise en charge de l’adolescent et du jeune adulte. C'est notamment le cas de l'IGR, ainsi que de l'Institut Curie, qui a ouvert en avril 2013 une unité d'hospitalisation dédiée aux 15-25 ans.
L’INCa a soutenu l’expérimentation pendant plus de trois ans d’unités spécifiques fixes, mais aussi d’équipes mobiles intervenant en appui dans les services de pédiatrie ou les unités d’oncologie adultes. Et l’INCA est en train d’évaluer les résultats de cette expérimentation avant d’émettre des recommandations pour faire évoluer la prise en charge.
Pour Dominique Valteau-Couanet, un accompagnement spécifique doit aussi être proposé aux adolescents. La maladie ne supprime pas la crise d’adolescence. Au contraire, elle peut l’accentuer. D’où la nécessaire intervention de professionnels non médicaux comme les psychologues, des éducateurs spécialisés, des experts de l’orientation professionnelle qui vont apporter aux adolescents malades un soutien approprié. Avec comme but que les jeunes patients suivent bien leur traitement.
Ecoutez le Dr Dominique Valteau-Couanet : « Nous, on a une éducatrice spécialisée dans notre service… »