Une étude utilisant des puces électroniques nichées dans les chaussures du personnel de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) a mené à un constat alarmant. Seul un soignant sur cinq se désinfecte les mains avant d’avoir un contact avec un patient! De biens mauvais résultats qu’a présentés Pr Philippe Brouqui, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’AP-HM, lors des Etats généraux des infections nosocomiales et de la sécurité des patients, qui se tenaient la semaine dernière à Paris.
Méconnaissance de la situation réelle
«Il y avait une méconnaissance de l’ampleur du problème d’observance de l’hygiène des mains , indique le Pr Philippe Brouqui, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’AP-HM. Principalement car nous n'avions pas d’outil très performant pour la mesurer réellement ». Jusqu'ici cette évaluation ne reposait en effet que sur une observation réalisée par des personnes étrangères au service, ainsi que sur l’étude des volumes de solutions hydro-alcooliques utilisées.
Pour obtenir des données plus précises l’AP-HM a eu recours au système MediHandTrace d’identification par radiofréquence. Ce système utilise des puces électroniques nichées dans les talons des chaussures professionnelles des soignants, des antennes de détection au sol et des distributeurs électroniques de solutions hydro-alcooliques. Il est alors possible d’identifier un soignant, de savoir s’il se sert d’une solution hydro-alcoolique avant l’entrée dans la chambre du patient ou mieux encore à l’intérieur de la chambre juste avant le contact avec un patient.
Résultats inacceptables
Grâce à ce dispositif high-tech, l’AP-HM a réalisé une étude pendant 5 mois de septembre 2013 à mars 2014. Durant cette période, 14 500 parcours de soignants ont été suivis à la trace. Près de 4 630 de ces parcours se faisaient en présence de patients ou à leur contact. Ils concernaient 42 soignants et 132 patients dans sept chambres. Ce sont ces parcours qui ont été évalués. L’étude a montré que 56% des soignants ne se lavaient pas les mains au moins une fois pendant le parcours. Autre résultat inacceptable : 21,4% des soignants se lavaient les mains uniquement après le contact avec les patients. Quant à l’hygiène des mains avant le contact avec les patients seuls 22,6% des soignants s’y conformaient. Or l'hygiène des mains constitue la pierre angulaire de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements hospitaliers.
Le Pr Brouqui apporte quelques nuances à ces résultats, et souligne qu’il existe de grandes différences entre les soignants, certains se désinfectant toujours les mains... mais d’autres jamais. Paradoxalement, plus il y a de soignants dans une chambre, plus ils se lavent les mains. Ceci peut s’expliquer « par un effet d’entraînement », indique le médecin. Enfin, plus les parcours sont courts, moins la désinfection des mains est pratiquée. C’est le cas d’allers et venues rapides dans les chambres pour apporter les médicaments par exemple.
Différent d'un audit national
Les résultats obtenus sont bien en dessous de ceux rapportés par un audit national mené de fin 2008 à mars 2009 sur près de 147 000 gestes d’hygiène des mains dans 762 établissements de santé. Cet audit a montré une observance et une conformité avant et après soin proche de 67%. Mais cette enquête a été réalisée par observation directe, de façon programmée, le personnel étant prévenu.