C'est une première, une ONG porte plainte contre un laboratoire pharmaceutique, pour contester le prix d'un médicament. Mardi 10 février, Médecins du monde s'est lancée dans une bataille juridique au long cours, pour tenter à terme de permettre la production de versions génériques bon marché de la molécule sofosbuvir, traitement de nouvelle génération contre l'hépatite C, sur le marché depuis fin 2013. L'ONG dénonce un prix « exhorbitant ».
La France peut pourtant s'estimer heureuse, c'est le pays européen où le sofosbuvir, vendu sous le nom de Sovaldi, est le moins cher. Pour une cure standard de 24 semaines, il n'en coûte à l'assurance maladie que... 41 000 euros ! A titre de comparaison, l'Allemagne débourse 8 000 € de plus ; aux Etats-Unis, le traitement revient à 74 000 €, rappelle le quotidien La Croix.
A l'issue des âpres négociations menées à l'automne dernier avec le fabricant du médicament, le laboratoire américain Gilead, le ministère de la Santé s'était d'ailleurs félicité d'être parvenu à un prix si « bas ». Il est vrai que jusque-là, le Sovaldi revenait à 56 000 € pour 12 semaines de traitement.
Par son action juridique européenne, Médecins du Monde entend surtout « améliorer l'accès des patients à un médicament ». Pour limiter les coûts, le Sovaldi est aujourd'hui réservé aux patients dont l'infection hépatique est déjà à un stade avancé. Selon La Croix, 15 000 personnes pourraient ainsi recevoir le traitement en 2015. « Mais c'est une forme de rationnement lié à ce prix exhorbitant. Selon les experts, le sofosbuvir devrait être proposé à tous les patients en situation de vulnérabilité face à l'infection, soit environ 150 000 personnes », dénonce Jean-François Corty, directeur des opérations France de MDM dans les colonne de La Croix. Au prix actuel, soigner tous les patients coûterait plus de 5 milliards d'euros, soit un cinquième du budget de l'assurance maladie...
Encore plus que le coût du Sovaldi, c'est l'argument avancé par Gilead pour le justifier que remet en cause MDM. Selon le laboratoire, 90 % des patients traités par Sovaldi seront guéris, ne développeront pas de complications et donc ne coûteront plus rien à l'assurance maladie.
Un argument qui est de plus en plus mis en avant par les laboratoires, et qu'ils aimeraient voir pris en compte lors des négociations du prix des médicaments. A l'heure où le Comité économique des produits de santé se prépare à négocier le nouvel accord cadre avec les industries du médicament, la "croisade" entamée par MDM pourrait avoir une résonnance au-delà du cas précis de l'hépatite C.