La Haute autorité de santé (HAS) s’est attelée à un sujet délicat : le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ce syndrome, mal connu en France, associe trois symptômes : l’hyperactivité motrice, les troubles de l’attention et l’impulsivité. Les recommandations que la HAS publie ce vendredi après deux ans de travaux, s'adressent en premier lieu aux médecins de premier recours, généralistes ou pédiatres, placés au coeur du dispositif. L’objectif est de les aider à identifier les enfants qui souffrent de ce trouble difficile au "diagnostic complexe", comme l'admet la HAS.
Christine Gétin est présidente de l’association HyperSupers TDAH France. Mère d’un enfant ayant souffert de ce trouble, elle a dû se battre pour faire reconnaître les difficultés que rencontrait son fils. Ces recommandations officielles, même si elles ne sont qu’une première étape, sonnent pour elle comme une reconnaissance des difficultés de ces enfants.
En quoi consistent les recommandations de la HAS ?
Christine Gétin : Elles s’adressent aux médecins de premier recours afin qu’ils identifient les enfants qui souffrent de ce trouble. Quand le diagnostic est posé, l’objectif est de savoir aider les familles à coordonner les soins. Ces recommandations ont aussi pour objectif de mieux identifier quels sont les patients qui relèvent d’une vraie prise en charge de ceux qui ont besoin d’une aide momentanée.
Que pensez-vous des recommandations ?
Christine Gétin : J’ai créé cette association en 2002, parce qu’avec plusieurs autres mamans, nous vivions un véritable parcours du combattant : dans les années 2000, il fallait 10 ans pour enfin tomber sur quelqu’un qui comprenne quel était la difficulté de votre enfant. C’est nous qui avons demandé à la HAS de publier des recommandations : nous avons voulu éviter cette errance très longue aux parents, qu’ils puissent trouver des solutions et aider les enfants le plus rapidement et le plus précocement possible.
Combien de temps faut-il pour faire dépister son enfant aujourd’hui ?
Christine Gétin : Les parents mettent en moyenne deux ans et demi pour arriver à avoir un diagnostic. Ce sont parfois des orthophonistes qui abordent le sujet, ou alors des enseignants. Mais la majorité des informations provient du bouche-à-oreille, de conseils entre parents. Souvent le personnel médical dit que ce que vit l’enfant est normal : « Ca va passer », sauf que chez les enfants qui ont vraiment ce trouble, ça ne passe pas.
La HAS va-t-elle assez loin ?
Christine Gétin : Non, mais c’est un premier pas. Jusqu’à présent, il n’y avait rien : on part de zéro ! Maintenant, il y a une information disponible, qui est assez objective, pragmatique, et qui explique qu’il faut évaluer ces enfants, leurs besoins et apporter des réponses concrètes. C’est déjà un premier pas ! C’est un progrès.
Qu’est-ce qui devrait suivre selon vous ?
Christine Gétin : Ces recommandations devraient être accompagnées de formations du personnel médical, de façon à ce qu’elles aient un véritable écho sur le terrain. Ensuite, il faudrait faire en sorte de diminuer le temps d’attente, qu’il n’y ait pas que les centre experts qui puissent poser un diagnostic et que tous les centres qui prennent en charge les enfants en difficulté en soient aussi capables.
La position de la HAS sur la prise en charge médicale semble prudente ?
Christine Gétin : La HAS rappelle quelles sont les stratégies de diagnostic et de soins : le traitement médicamenteux (par méthylphénidate, plus connu sous le nom commercial Ritaline) fait partie des options thérapeutiques, mais ce n’est qu’une option. Tout dépend des difficultés, à quel point le trouble handicape la vie du patient. Et puis le médicament est rarement mis en place tout seul. Il agit sur la capacité d’attention, mais pour avancer, l’enfant doit améliorer ses capacités à développer des relations sociales, ses capacités à se structurer, s’organiser.
Beaucoup de médecins sont sceptiques sur l’existence même du TDAH...
Christine Gétin : J’ai rencontré beaucoup de gens sceptiques : ce sont souvent des gens qui n’ont pas pris le temps de fréquenter des enfants qui souffrent de ce trouble. J’ai revu il y a peu des journalistes que j’avais rencontrés il y a dix ans, qui étaient sceptiques alors. Ceux qui ont changé d’avis sont ceux qui ont eu soit la malchance d’avoir entre temps un enfant qui soit atteint de ce trouble soit ceux qui sont allés voir de plus près la souffrance, à la rencontre des familles et des enfants.
Je comprends que cela puisse poser problème si l’on surdiagnostique un enfant alors qu'il n'a que quelques signes. Autour de moi il y a des enfants très actifs, mais pas du tout TDAH. Ils peuvent sembler parfois un peu "fatiguants" parce qu’ils aiment bien que les choses bougent, aillent vite, mais c’est pas parce que l'on est « hyper-actif » qu’on est TDAH. Ces enfants ont plein d’amis, leur scolarité se passe bien, et ils n'ont pas besoin de soins !
N'y a-t-il pas une surmédicamentation des enfants...
Christine Gétin : On ne veut pas de surmédicamentation ! Ceux qui pensent qu’ils vont régler les problèmes de société avec des médicaments se trompent. Mais en même temps, il y a des enfants qui sont en grande souffrance. Les enfants diagnostiqués tardivement traversent de grandes difficultés, certains sont dans une grande détresse psychologique. Ne faut-il pas les soigner ? Il faut les laisser se réfugier dans l’alcool et le cannabis parce que la vie est trop difficile pour eux ? Parce qu’on exige qu’ils soient attentifs et qu’ils ne savent pas le faire ? C’est une image un peu simpliste mais elle est tout de même réelle : c’est comme si on demandait à un handicapé moteur en fauteuil de descendre les escaliers...
Que faire pour améliorer leur condition ?
Christine Gétin : Il faut encourager ces enfants quand ils réussisent à se concentrer plus de cinq minutes. Ainsi, on restaure leur estime d’eux-même, ils se sentent moins nuls, plus aptes à réussir. Ce sont des leviers qui vont les aider à dépasser leur trouble. Attention ! On ne veut pas gommer leur différence mais en faire une vraie force.
Pour cela, il faut qu'ils soient suffisamment bien dans leur peau et qu'ils se connaissent bien. Il faut les aider, par exemple, à trouver des filières suffisamment stimulantes pour qu’ils n’aient pas besoin d’une béquille médicamenteuse. Le but est qu'ils deviennent des adultes suffisamment épanouis pour qu'ils n'aient même plus besoin de suivi médical.