Des travaux récents menés par des chercheurs français (1), de l'Inserm entre autres, font la lumière sur notre mécanisme de protection anti-allergies, ou sur un anticorps intelligent qui s’autodétruit après avoir joué son rôle immunitaire. Ces résultats inédits viennent d'être publiés dans la revue Cell reports.
Le double jeu des armes de l'immunité
Pour arriver à cette découverte, ces scientifiques sont partis du postulat suivant : le système immunitaire des hommes repose sur des cellules, les lymphocytes B, portant ou sécrétant des « armes » antibactériennes ou antivirales, les immunoglobulines (IgG, IgM, IgA, IgE) ou anticorps. Mais si ces « armes » de l’immunité nous protègent, elles se retournent parfois contre nous. C’est le cas pour les plus efficaces des anticorps, les IgE, dont même des traces infimes peuvent déclencher des réactions allergiques très violentes, comme l’asthme, l’urticaire ou un choc allergique.
L'autodestruction des cellules immunitaires
Au cours de leur expérience, ces chercheurs ont voulu comprendre les mécanismes de contrôle de ces anticorps. Pour cela, ils ont contraint, par génie génétique, des cellules à produire ces anticorps en grand nombre. Ils ont alors réussi à mettre en évidence deux mécanismes majeurs de contrôle. Ils ont démontré d'une part que dès qu’un lymphocyte B porte sur sa membrane une IgE (2), il se « fige » : il s’arrondit, perd ses pseudopodes (3) et devient incapable de se déplacer, alors que les lymphocytes sont habituellement très mobiles.
D'autre part, ces scientifiques ont révélé que le lymphocyte active plusieurs mécanismes d’apoptose, la mort programmée de la cellule. Cette autodestruction provoque l’élimination rapide des lymphocytes porteurs d’IgE tandis que les autres cellules du système immunitaire sont capables de survivre jusqu’à plusieurs années.
Aussi une avancée dans la compréhension des lymphomes
Pour commenter leur publication, ces chercheurs confient : « notre organisme a développé, au cours de l’évolution, plusieurs systèmes d’autocensure autour d’une de ses "armes" immunitaires les plus puissantes, l’IgE. Comme la cellule porteuse d’IgE ne peut plus se déplacer, elle ne peut survivre que durant un temps bref, suffisant pour jouer un rôle protecteur ponctuel contre les parasites, les toxines et les venins. Elle s’autodétruit ensuite par une sorte d‘ "hara-kiri", qui limite très fortement la production des IgE et donc le déclenchement d’allergies », concluent-ils
Grâce à cette découverte, les auteurs des travaux souhaitent désormais explorer plus en avant les différentes voies moléculaires de cette autocensure. Elles sont d'après eux« autant de nouvelles cibles thérapeutiques dont l’activation pharmacologique pourrait contrer les allergies, voire permettre de censurer d’autres lymphocytes B pathologiques, comme ceux impliqués dans les lymphomes, des cancers affectant certaines cellules du système immunitaire, les lymphocytes. »
(1) Etude menée par des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Limoges au sein du laboratoire « Contrôle de la réponse immune B et lymphoproliférations » (CNRS/Université de Limoges), en collaboration avec une immunologiste du laboratoire Microenvironnement et cancer (Inserm/Université de Rennes 1).
(2) Les immunoglobulines, ou anticorps, sont des protéines secrétées par les lymphocytes de type B en réaction à l’introduction dans l’organisme d’une substance étrangère (antigène).
(3) Déformations de la membrane qui permettent à une cellule de se nourrir et de se déplacer en « rampant ».