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Loi Veil

IVG : la clause de conscience fait débat

Par Marion Guérin

Au Parlement, la Délégation aux droits des femmes préconise de supprimer la clause de conscience pour l’IVG. Parmi les professionnels de santé, le sujet fait débat.

DURAND FLORENCE/SIPA

L’IVG provoque toujours de vifs débats. A l’Assemblée nationale, la délégation aux Droits des Femmes a émis ses recommandations en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Les mesures qu’elle propose ne font pas toutes l’unanimité.

A quelques semaines de la discussion de projet de loi Santé, la délégation parlementaire a voulu faire entendre sa voix. Parmi ses 21 préconisations, elle s’attaque notamment à la clause de conscience, qui permet aux professionnels de santé de refuser de pratiquer une IVG. Le sujet est assez sensible.

« Une entrave »
Cette disposition spécifique à l’IVG a été intégrée à la loi Veil en 1975. Elle s’ajoute à une clause de conscience « générale » inscrite dans le Code la Santé Publique (article R4127-47), qui garantit à tout professionnel le droit de refuser de pratiquer un acte médical quel qu’il soit, pour des raisons « professionnelles ou personnelles ».

Pour la délégation des Droits des Femmes, cette redondance législative n’a pas lieu d’être. Dans un communiqué, deux députées, Catherine Coutelle et Catherine Quéré, écrivent ainsi que la clause spécifique à l’IVG « persiste au titre d’un compromis accepté en 1975 au sein de la loi Veil » et qu’elle « concourt à faire de l’IVG un acte médical à part et contribue à limiter l’accès à un droit fondamental qui ne doit connaître aucune entrave pour devenir totalement effectif ».

« Un faux problème »
Du côté des instances représentatives des gynécologues et obstétriciens français, on ne l’entend pas ainsi. Pour le CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français), il s’agit surtout d’un non-sujet. « Puisqu’une clause permet déjà de refuser de pratiquer un acte, il ne sert à rien de supprimer l'autre, précise à pourquoidocteur Bernard Hédon, son président. Je ne vois pas l’utilité de légiférer sur la question, puisque dans les faits, ça ne changera rien ».

La Société Française de Gynécologie n’en pense pas moins. « C’est un faux problème, puisque par définition, la clause s’applique à tous les domaines de la médecine », indique sa présidente, Joëlle Belaïsch-Allart.

L’IVG, « un exercice médical particulier »
Les sages-femmes, elles, se sont penchées plus précisément sur le bienfondé de cette clause spécifique à l’IVG. « C’est une garantie forte pour les professionnels de santé », explique Marie-José Keller. Pour la présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, pratiquer un avortement est un « exercice médical particulier ». «D’un côté, on essaye de maintenir coûte que coûte une grossesse très fragile, et de l’autre, on est amené à interrompre des grossesses qui auraient aisément abouti, ce sont des pratiques à 180°. »

« Pour que l’avortement soit réalisé avec empathie et bienveillance, il faut l’assentiment personnel du professionnel de santé. Sous la contrainte, c’est mal fait », poursuit Marie-José Keller, qui affirme que Simone Veil « avait beaucoup insisté sur cette clause de conscience ».

Délai de réflexion
Dans son rapport, la délégation aux Droits des Femmes propose également de supprimer le délai de réflexion imposé aux femmes qui désirent avorter. Actuellement, une semaine doit s’écouler entre les deux consultations médicales qui précèdent l’IVG. Pour la délégation, cette situation « complique et rallonge le parcours des femmes, et les place dans une situation infantilisante ». Une position égale à celle du Haut Conseil à l’Egalité entre les Hommes et les Femmes.

Là aussi, les avis divergent. La Société Française des Gynécologues trouve ce délai de sept jours « aberrant » et souhaite le porter à quelques jours – entre deux et quatre – sans vouloir le supprimer totalement. « L’avortement n’est pas un acte anodin. Il ne faut pas que la patiente prenne sa décision sur un coup de tête », avance Joëlle Belaïsch-Allart. Les sages-femmes, elles, militent plutôt pour un délai modulable « en fonction de la situation », entre deux et sept jours. Quant au CNGOF, il rappelle que ce délai peut déjà être supprimé « lorsque la situation l'exige » et estime qu'il peut constituer une « dernière aide à une décision difficile ».