Arrêter de fumer réduit le risque de cancer du poumon, sans pour autant le réduire à zéro. Pourtant, les anciens fumeurs ne bénéficient pas du dépistage nécessaire. C’est ce que conclut une étude de la Mayo Clinic à Rochester (New York), publiée ce 24 février dans le JAMA.
Des critères trop restreints
Les taux de tabagisme reculent dans les pays occidentaux. Mais selon les chercheurs, un retour de flamme est à attendre : les anciens fumeurs atteints par un cancer du poumon risquent de ne pas être repérés assez tôt, parce qu’ils ne correspondent plus aux critères de dépistage. Pour étayer cette hypothèse, une équipe de la Mayo Clinic a réalisé une étude rétrospective (1984-2011) auprès de 140 000 Américains âgés de 20 ans et plus.
1 351 personnes ont développé un cancer primaire du poumon au cours de la période de suivi. Pour bénéficier d’un scanner de dépistage, les personnes de 55 à 80 ans doivent avoir fumé 30 paquets-année (1 paquet par jour pendant 30 ans), être toujours fumeurs ou avoir réduit leur consommation au cours des 15 dernières années. Or, la part de patients correspondant à ce profil a reculé au cours de la période de suivi. Elle est passée de 57 % sur la tranche 1984-90 à 43 % sur la tranche 2005-11.
« Comme les fumeurs s’arrêtent plus tôt et restent sevrés plus longtemps, de moins en moins d’entre eux sont éligibles au dépistage, qui est un moyen efficace de sauver des vies », déplore le Dr Ping Yang, épidémiologiste du Centre du Cancer de la Mayo Clinic. « Les patients qui finissent par développer un cancer du poumon sont diagnostiqués à un stade plus tardif, au moment où le traitement ne peut plus les guérir. »
Elargir le dépistage
Le succès de la lutte contre le tabac pourrait donc entraîner indirectement une surmortalité, à cause du diagnostic retardé. Pour agir contre cette situation paradoxale, les experts de la Mayo Clinic plaident en faveur d’un élargissement des critères d’éligibilité au dépistage. « Le programme existant va devenir moins efficace dans la réduction de la mortalité par cancer du poumon si nous continuons d’utiliser les mêmes critères », avertit le Dr Ping Yang. Il faudra donc dépister également des personnes qui ont fumé moins de 30 paquets-année, ou qui ont arrêté de fumer depuis plus de 15 ans.
Les risques d’un dépistage élargi sont réels (surcoût, exposition à des radiations, sur-traitement induit par des résultats faussement positifs), mais il est possible de les prévenir, conclut le Dr Yang : « Il existe des moyens de dépister des patients à risque tout en évitant les fausses alertes et le sur-traitement. Les chercheurs doivent définir des marqueurs biologiques, des traits génétiques ou physiologiques, qui les aideront à mieux identifier les patients à haut risque. »