PE. Deux lettres qui depuis quelques années cristallisent les inquiétudes grandissantes des associations, consommateurs, scientifiques... Mais pas de l'Europe ! Les perturbateurs endocriniens semblent être partout - c'est d'ailleurs en cela qu'il serait menaçants - mais plutôt que de prendre des mesures l'Europe tergiverse. Où est donc passé le sacro-saint principe de précaution ? Il se serait fait étouffé dans l'œuf par les lobbyistes industriels, selon la thèse développée par Stéphane Horel dans un ouvrage, Intoxication, que détaille Eric Faveraud dans les colonnes de Libération.
Selon la journaliste qui a mené l'enquête, le sort des perturbateurs endocriniens a bénéficié du bisbille qui règne de longue date entre la commission européenne de la Santé et celle de l'environnement. Une brèche dans laquelle les industriels de la pétrochimie n'auraient pas mis longtemps à s'engouffrer.
L'affaire se déroule entre 2010 et 2013, époque à laquelle le règlement Reach apparaît. Des directives strictes pour limiter l'impact de la chimie sur l'environnement et la santé, qui ont obligé les industriels à faire beaucoup de modifications dans leurs process.
Pour les PE, la technique de la "fabrique du doute" aurait été utilisée par les chimistes, comme elle l'avait été avant -avec succès !- par l'industrie du tabac ou les fabricants de produits phytosanitaires. Semer le doute, mettre en avant des études qui ne montrent pas de dangers, écarter celles qui sont alarmantes, tout cela ajouté à une pression discrète mais continue aurait permis de convaincre l'Europe de lâcher du lest sur le cas des PE. Ils font actuellement l'objet d'une "étude d'impact"... Dont les résultats ne sont toujours pas disponibles.
En attendant, faute de législation le flou persiste. La France a elle pris les devants en interdisant depuis janvier 2015 le bisphénol A, un des nombreux PE présents dans notre quotidien. Un petit pas, mais qui a le mérite de marquer une position plus claire que celle des instances européennes.
Pourtant, selon Stéphane Horel, les études ne manquent pas pour alerter sur le poids des PE dans la baisse de fertilité ou l'épidémie de diabète. « L’accroissement des données examinées enlève tout doute sur le fait que les perturbateurs endocriniens contribuent à l’augmentation de la prévalence de maladies chroniques liées à l’obésité, le diabète sucré, la reproduction, la thyroïde, les cancers, les problèmes neuroendocriniens et affectant les fonctions neurologiques du développement », pouvait-on lire récemment dans Endocrine Reviews, revue spécialisée qui fait foi dans le domaine. Mais peut-être les experts européens n'y ont-ils pas accès ?...