C’est un procès peu banal qui s’est tenu ces 15 et 16 octobre à La Haye (Pays-Bas). Un procès « pour de faux », comme disent les enfants, un procès dont le verdict est déjà connu – il n’y aura pas de condamnation. Pourtant, cinq « vrais » juges étaient bel et bien présents pour écouter les déclarations des témoins qui se sont succédé à la barre durant ce marathon judiciaire. Les magistrats ont tous derrière eux des carrières majeures en droit international, à l’instar de la présidente, Françoise Tulkens, qui fut durant 14 ans juge à la Cour européenne des droits de l’homme, comme le rappelle Le Monde. Et dans le box des accusés alors ? Personne ! Enfin, aucun représentant en chair et en os de la multinationale Monsanto, accusée devant ce tribunal citoyen d’ « écocide », un crime qui n’existe pas non plus, mais qui pourrait bel et bien être créé à l’issue de ce procès sans précédent.
Glyphosate, PCB, agent orange : autant de produits dont tout un chacun a déjà entendu parler, principalement pour les ravages qu’ils ont produits sur l’environnement et/ou les populations. Malformations fœtales, empoisonnement des animaux, émissions de gaz à effet de serre, semences et brevets asservissant le monde agricole, comme le résume Rémi Barroux dans Le Monde, c’est « pour l’ensemble de son œuvre » que le géant américain était assigné.
La firme, créée au tout début des années 1900, avait refusé de prendre part à ce procès, qu’elle a qualifié dans une lettre ouverte de « parodie ». La multinationale estimait dans son document qu’il serait plus utile de se concentrer sur les « besoins en alimentation et en agriculture du monde entier », suggérant que les produits Monsanto avaient permis de répondre à une demande toujours croissante depuis le milieu du 20e siècle en termes de production.
Mais les témoignages, venus des quatre coins du monde, parlent, eux, de souffrances et de détresse. Comme celui de Sarah Grataloup, qui a raconté le quotidien de son fils Théo, né avec une malformation : « Son œsophage ne descendait pas jusqu’à son estomac ». Âgé de 9 ans, Théo respire toujours grâce à une trachéotomie. Sa mère, elle, se souvient qu’elle avait pulvérisé du glyphosate dans son exploitation iséroise, au tout début de sa grossesse. Elle ne se savait pas encore enceinte, souligne-t-elle dans Le Monde, mais surtout, elle avait « fait confiance aux publicités qui vantaient le glyphosate comme le premier désherbant biodégradable »…
L’enjeu de ce procès n’est pas simplement de rappeler les dangers liés à certains produits phytosanitaires, ni comment l’information sur ces dangers a été dissimulée, parfois sciemment, comme l’ont rappelé plusieurs témoins. L’idée est bel et bien de faire évoluer le cadre légal international, notamment en intégrant l’écocide aux crimes contre l’humanité. « C’est un tribunal pédagogique, dont j’espère qu’il aura une influence sur le droit international des droits de l’homme et permettra des ouvertures pour les victimes », a commenté Françoise Tulkens. Les juges rendront leur décision le 10 décembre prochain, journée internationale des droits de l’homme.