Marlène Schiappa semble avoir quelques difficultés à faire passer ses messages de manière claire, tant auprès du grand public, qu’auprès des professionnels. Après la justification de la diminution du budget alloué aux associations de défense des droits des femmes, puis une volte-face sur sa proposition de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les jeunes parents, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a soulevé une nouvelle bronca.
"Propos mal documentés"
Au cœur de la polémique cette fois-ci : la fâcheuse tendance qu’auraient les accoucheurs français à pratiquer les épisiotomies à tout va. Devant la délégation aux Droits des femmes du Sénat, Marlène Schiappa a ainsi expliqué, jeudi 20 juillet, qu’il « y aurait en France 75 % d’épisiotomies et des violences obstétricales sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes, et les femmes handicapées ».
Une déclaration qui a suscité la réaction du Collège national des Gynécologues et Obstétriciens Français. Dans une lettre ouverte, datée du 22 juillet, le Pr Israël Nisand, président du CNGOF, explique ainsi que gynécologues et obstétriciens sont à la fois « surpris et profondément choqués » que la secrétaire d’Etat ait relayé des « informations fausses ».
Ce mardi, c’est le Conseil national de l’Ordre des médecins qui enfonce le clou. Le CNOM fait ainsi savoir dans un communiqué qu’il regrette les propos tenus par Marlène Schiappa devant le Sénat. « Ces propos qui semblaient mal documentés pourraient aggraver la défiance des femmes envers le corps médical dans son ensemble, mais aussi décourager de possibles vocations pour des spécialités médicales aujourd’hui en souffrance en termes démographiques ». Israël Nisand évoquait lui aussi une « profession en souffrance qui essuie sans arrêt des diminutions de personnes et qui se trouve souvent à la limite de l’acceptabilité en termes de sécurité ».
Chiffres discordants
Si la démarche de Marlène Schiappa, qui a demandé un rapport au Haut conseil à l’égalité (HCE) sur les violences obstétricales, sujet tabou par excellence, est sur le fond tout à fait louable, elle est sur la forme très discutable.
Les chiffres avancés sont en effet bel et bien erronés. Dans un communiqué de presse, publié par le secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, le 24 juillet, il est précisé que Marlène Schiappa s’est fondée sur une étude de l’association Maman Travaille, menée sur 983 mères en 2013, qui « relevait néanmoins que 75 % d’entre elles disaient avoir subi une épisiotomie ».
Le choix de cette source peut surprendre à plusieurs égards. En premier lieu, il aurait peut-être convenu de préciser que Maman Travaille est l’association fondée par Marlène Schiappa elle-même. Ensuite, quel crédit apporter à une enquête déclarative menée sur Internet si elle n’est pas corroborée par d’autres données ? Le biais de ce type de consultation est avéré et important : ce sont majoritairement les personnes mécontentes qui prennent le temps de répondre à une enquête en ligne. Enfin, d’autres données étaient facilement accessibles et auraient permis de modérer le propos. L’enquête de novembre 2013, menée par le Ciane (Collectif interassociatif autour de la naissance) sur plus de 9 700 naissances, indique ainsi un taux moyen d’épisiotomie de l’ordre de 30 % (47 % pour un premier accouchement, 16 % pour les suivants).
Reste à espérer que cet épisode amènera le cabinet de la secrétaire d’Etat a plus de rigueur dans la préparation de ses futurs dossiers. Les droits des femmes sont déjà bien trop souvent matière à controverse ; on ne peut attendre de Madame Schiappa qu’une parole forte, et donc crédible, pour les défendre.