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QUESTION D'ACTU

Décret en préparation

Cancers héréditaires : les médecins pourront prévenir l'entourage

Un tiers des personnes à risque de développer un cancer héréditaire pratique des tests génétiques. Souvent, elles ignorent qu'un proche est porteur d'une mutation. Un décret devrait autoriser le médecin à lever le secret.

Cancers héréditaires : les médecins pourront prévenir l\'entourage GUSTAFSSON/LEHTIKUVA OY/SIPA




Angelina Jolie a choisi de dire. Dire qu’elle est porteuse d’une mutation BRCA1 et dire qu’elle avait subi une mastectomie. Pour certaines femmes, cette vérité n’est pas toujours facile à dire. Pourtant, la cacher à sa sœur ou à sa fille peut avoir de lourdes conséquences. En effet, ces mutations prédisposent à une forme de cancer du sein héréditaire.
Leur cacher la vérité les empêche donc de pratiquer des tests génétiques leur permettant de savoir si elles aussi sont BRCA1 ou 2. Et donc éventuellement de se protéger de ce risque. Une brouille familiale, ou encore une mère trop protectrice qui craint d’inquiéter sa fille et le secret reste bien gardé. Une seule personne a en effet le droit de lever le voile : c’est le 1er membre de la famille à avoir été dépisté.


Ecoutez le Pr Pascal Pujol, oncongénéticien au CHU de Montpellier : « Les médecins n’ont pas le droit de prévenir l'entourage. Et si le médecin sait que la personne ne préviendra pas son entourage, c'est comme une non-assistance à personne en danger.»


Un décret donnant à la possibilité au médecin de révéler l’existence de cette mutation devrait être publié tout prochainement. Ce texte permettrait donc de lever le secret médical quand le 1er patient ne souhaite pas informer lui-même ses proches. Certains oncogénéticiens espèrent que cette mesure favorisera la pratique des tests génétiques.

Et ce coup de pouce ne sera pas du luxe. Une étude française, présentée le 9 juin au congrès de la société européenne de génétique humaine, révèle que des familles à risques de développer des cancers ne pratiquent les tests génétiques qu’ils devraient. Les données issues de l’Institut national du cancer montrent que le nombre de tests génétiques pour identifier les mutations BRCA1 et BRCA2 a été multiplié par 3,5 entre 2003 et 2011 mais « c’est loin d’être optimal », estime le Pr Pascal Pujol, oncogénéticien au CHU de Montpellier.


Cancer du côlon héréditaire : beaucoup trop peu de tests

La situation est encore bien moins bonne concernant les mutations MMR impliquées dans le syndrome de Lynch. Les personnes qui en sont porteuses présentent un risque élevé de développer un cancer colorectal ou un cancer de l’endomètre. Or, pendant la même période – entre 2003 et 2011 -, le nombre de tests n’est lui passé que de 1144 à 1635. Pour le Pr Pujol, « la participation au dépistage de la mutation MMR – qui est responsable de 5% des cancers colorectaux – est franchement décevante ».


En fait, dans une famille porteuse d’une de ses deux mutations, seulement un tiers des membres de cette famille subissent les tests génétiques. « Il est extrêmement inquiétant de constater qu'un tel test simple, qui a le potentiel d'épargner des familles entières d'une maladie dévastatrice, soit si sous-utilisés », regrette l’auteur de cette étude. Se savoir porteur de telle mutation permet en effet de prévenir le risque de cancer. Une femme de plus de 40 ans porteuse d’une mutation BRCA et qui choisit de subir une ablation des ovaires fait chuter de 20% son taux de mortalité par cancer.


5 femmes sur 6 porteuses d'une mutation BRCA1/2 l'ignorent

Cette sous-utilisation des tests génétiques est donc une perte de chance. Aujourd’hui en France seulement 15 % des femmes porteuses d’une mutation BRCA1/BRCA2 le savent. Pour le syndrome de Lynch c’est encore plus faible, c’est 5 %, alors que ces mutations sont trois fois plus fréquentes que pour le cancer du sein. Pour Pascal Pujol, ongénéticien au CHU de Montpellier qui a présenté cette étude dimanche au congrès de la société européenne de génétique humaine qui se tenait à Paris, les médecins ont une part de responsabilité.


Ecoutez le Pr Pascal Pujol : « Contrairement au gynécologue, le gastroentérologue n'a pas le réflexe d'adresser son patient qui a une histoire familiale forte dans le cancer, vers un service d'oncogénétique.»



Le Pr Pujol estime donc que « nous devons de toute urgence lancer un programme majeur de sensibilisation de tous les acteurs concernés, via la formation médicale, des programmes d'information pour les patients et leurs familles, des campagnes de santé publique et l'amélioration du conseil génétique ».

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