Plus de 5000 plaintes ont été déposées contre la société Poly Implant Prothèses. Dans l’affaire Mediator, les laboratoires Servier doivent faire face à 2300 plaintes. Aux Etats-Unis, au Québec ou en Italie, dans un cas de figure similaire, toutes les victimes déposeraient ensemble un recours en justice pour demander réparation du préjudice subi. C’est ce qu’on appelle une « class action » ou action de groupe. Elles ont permis de faire plier les puissantes industries du tabac et agro-alimentaires face à la détermination et au regroupement des plaignants. Christiane Taubira, la garde des Sceaux, a annoncé en juin dans un entretien au Parisien son intention de « permettre les actions de groupe pour que la réparation de petits litiges soit effective ».
L’action collective n’est pas vraiment dans la philosophie de notre système judiciaire. Ce qui s’en rapproche le plus est l’action en représentation conjointe, qui existe depuis 1992. Elle permet à une association de consommateurs agréée d’agir au nom de plusieurs victimes. « Mais il faut que l’association ait obtenu mandat de chacun des consommateurs car en France nul ne plaide par procureur, il faut donner explicitement l’autorisation à quelqu’un de vous représenter », précise Anne Laude, qui codirige l’institut Droit et Santé de l’Université Paris-Descartes. Aux Etats-Unis, c’est l’inverse, une victime peut même bénéficier du jugement prononcé sans avoir directement porté plainte à condition de démontrer son statut de victime.
Une promesse récurrente
L’idée d’une class action à la française n’est pas nouvelle. Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac avant lui en avaient déjà fait une promesse de campagne. « Depuis 2005, 5 propositions de lois et un projet de loi ont déjà tenté d’introduire les class action dans le droit français », rappelle Anne Laude. A chaque fois sans succès. Au grand soulagement du Medef, farouche et puissant opposant aux recours collectifs. Pourtant la version française envisagée n’avait pas grand chose à voir avec le modèle américain. Son champ d’application se limitait au droit de la concurrence, seul un texte abandonné en 2006 englobait le droit de la santé et celui de l’environnement.
Ecoutez Anne Laude, juriste et codirecteur l’institut Droit et Santé de l’Université Paris-Descartes : « Les dommages corporels et, de fait, le droit de la santé étaient exclus des class actions »
En évoquant « la réparation de petits litiges », Christiane Taubira ne semble pas vouloir inclure les victimes de scandales sanitaires ou de marées noires dans sa conception des recours collectifs. Il n’y a pourtant pas d’obstacle juridique, insiste la juriste.
Ecoutez Anne Laude : « Le législateur français a choisi les fonds d’indemnisation comme palliatif »
Les choses pourraient toutefois changer prochainement. Interrogé pendant la campagne par le collectif Sécurité sanitaire qui regroupe 9 personnalités de la santé publique dont Irène Frachon (la pneumologue par qui le scandale Mediator est arrivé), François Hollande s’était déclaré « favorable à l’introduction dans notre droit de la possibilité pour les victimes d’accidents médicaux de mener des actions collectives en justice afin de rétablir l’équilibre entre des groupes d’intérêt structurés et puissants et des victimes isolées et mal préparées ».
Au ministère de la Santé, on se borne pour le moment à indiquer que Marisol Touraine doit s’entretenir prochainement sur le sujet avec la garde des Sceaux et « se montre soucieuse du respect des droits des patients et des devoirs des fabricants ». « Pas question de voir les class actions contourner le champ de la santé », assure Gérard Bapt, député socialiste de Haute-Garonne et président l’année dernière de la mission d’information parlementaire sur Mediator.
Ecoutez Gérard Bapt, député socialiste de Haute-Garonne : « Je vais militer pour des class actions sanitaires et l’amélioration de l’indemnisation des victimes »