Les pays développés sur le plan économique ne le sont pas forcément sur celui des droits de la femme. Au contraire, les femmes qui veulent interrompre leur grossesse rencontrent souvent des obstacles. C’est ce que déplorent deux chercheurs australiens, qui publient une revue de la littérature dans le Journal of Family Planning and Reproductive Health Care. Entre réticences des médecins, manque d’argent et attitude du personnel, les freins sont nombreux d’après les 38 publications évoquées.
D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, 4 avortements à risque sont pratiqués pour 100 accouchements à terme dans les pays industrialisés. Au premier trimestre de grossesse, l’accès à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) est régulièrement limité. L’exemple de l’Irlande est le plus parlant : le pays a voté le 23 mai en faveur de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Mais en dehors des situations qui menacent la survie de la mère, l’avortement est tout simplement interdit par la loi. Et cette disposition n’a été adoptée qu’en 2014.
50 Etats restrictifs aux Etats-Unis
En Irlande, les contrevenantes s’exposent à 14 ans de prison. Cette situation a été dénoncée le 9 juin dans un rapport rédigé par Amnesty International. De nombreuses femmes mettent leur vie en danger en pratiquant un avortement illégal. Et 4 000 quittent chaque année le pays pour accéder à l’IVG. Aux Etats-Unis, la situation n’est pas plus enviable : sur 51 Etats, 50 ont une législation qui restreint d’une façon ou d’une autre le droit à l’avortement.
Des médecins réticents
Il n’y a pas que la loi qui pose problème. Lorsque les verrous légaux sont levés, les femmes doivent franchir de nombreux obstacles. Dans l’Idaho (Etats-Unis), un médecin sur trois est opposé à l’avortement, et le fait savoir à ses patientes. Au Royaume-Uni, les médecins de famille sont 20 % à penser la même chose. Mais la même proportion estime que les femmes qui souhaitent avorter n’ont pas à le savoir. Les femmes interrogées à la sortie des cliniques spécialisées, au Canada, sont aussi nombreuses à évoquer un mauvais accueil de la part du personnel et un manque de soutien psychologique.
Du côté des médecins, les freins semblent s’empiler : outre l’opposition morale, bon nombre d’entre eux ne sont pas assez formés à cette intervention ou ne savent pas la pratiquer. La littérature fait même état de personnel harcelé par les ligues anti-avortement.
880 km pour une IVG au Texas
Dans l’Etat du Texas, seules 19 cliniques d’avortement existent. Au 1er juillet, 10 d’entre elles auront fermé leurs portes. Un chiffre effrayant a fait débat au cours du mois de juin : les habitantes de la ville d’El Paso doivent parcourir plus de 880 km avant de pouvoir pratiquer une IVG. Un trajet encore plus long que pour rallier Marseille depuis Paris ! En fait, les zones rurales sont particulièrement touchées par le manque de services.
« Même si les barrières légales (…) se lèvent, cette revue suggère que les femmes des pays développés souffrent toujours d’inégalités en termes de qualité de service et d’accès, selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé », concluent les chercheurs. Le coût de la procédure est un obstacle non négligeable pour les femmes issues des milieux défavorisés. Peu de pays ont choisi, comme la France, d’autoriser une prise en charge par l’Assurance maladie.
Pour améliorer l’accès des femmes à l’IVG, les auteurs de la revue proposent plusieurs solutions. Les deux médicaments recommandés pour l’IVG médicamenteuse (mifepristone+misoprostol) devraient être davantage disponibles. Ils prennent aussi position en faveur de recommandations plus claires, avec des protocoles d’accueil spécifiques. Les cliniques spécialisées dans l’avortement sont à éviter, écrivent-ils, car elles favorisent les stigmatisations.