« C’était mon premier accouchement, la procédure était présentée comme immuable. Dans le « feu de l’action », j’ai fait confiance à l’équipe médicale. Ce n’est qu’après coup que j’ai réalisé que les choses auraient pu ou dû se passer autrement ». Cette femme déçue fait partie des 5500 Françaises qui ont complété après leur accouchement à l’hôpital le questionnaire élaboré par le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane).
Aujourd’hui, plus de la moitié des femmes font part à l’équipe soignante de souhaits particuliers pour leur accouchement contre 36% en 2005. Mais près d’une femme sur trois ayant répondu au questionnaire juge que l’équipe médicale n’a pas pris ses demandes en compte. « Quand j’ai dit que je ne voulais pas de péridurale, l’anesthésiste a dit : on va encore bien rigoler ; vous m’appelez dans 10 minutes... Aucun soutien de l’équipe dans mon choix », raconte l’une d’entre elles. « Je voulais au moins pouvoir bouger librement lors de cette naissance… Au lieu de ça, j’ai été déclenchée et attachée sur la table, le tout sans péridurale et des contractions dans les reins. J’ai vécu ça comme une torture », témoigne une autre mère.
« Ce sont pourtant des demandes qui n’ont rien d’exorbitant ni de farfelu, elles devraient pouvoir être satisfaites », s’indigne Madeleine Akrich, membre du bureau du Ciane et responsable de l’enquête. Les principales demandes concernent en effet le choix de la position pendant le travail et l’accouchement, le choix de la péridurale et le refus de l’épisiotomie hors nécessité médicale sérieuse.
Ecoutez Madeleine Akrich, membre du bureau du Ciane et responsable de l’enquête : « Elles veulent pouvoir refuser la péridurale ou choisir le moment et le dosage »
Le corps médical ne balaye pas d’un revers de mains ces critiques, au contraire. Le Pr Francis Puech, président du Collège national des gynécologues-obstétriciens de France et gynécologue au CHRU de Lille, se veut constructif : « Nous sommes dans la bonne direction, il n’y a plus de fossé infranchissable entre notre pratique médicale et le projet de naissance des mamans. Mais le Ciane pointe, à juste titre, les progrès qui restent à faire ».
Un changement des pratiques est en cours, les enquêtes de périnatalité en témoignent, même sur l’épisiotomie, qui reste le geste le plus mal vécu par les femmes. Entre 1998 et 2010, le taux d’épisiotomies pratiquées est passé de 51 à 27%. « Lorsqu’elle reste une indication médicale réelle pour éviter une déchirure compliquée, il faut pouvoir l’expliquer, sur le moment autant que possible, pour éviter à la femme le ressenti d’un geste imposé », souligne Francis Puech.
Certaines demandes semblent simples à mettre en œuvre, comme laisser les futures mères rester debout et marcher pendant le travail. « Mais ce qui semble évident ne l’est pas forcément en pratique, plaide le Pr Francis Puech. L’architecture de la plupart des maternités ne nous laisse pas beaucoup de choix, la seule possibilité est de déambuler dans la chambre … »
Quant à la prise en charge de la douleur et l’accompagnement des femmes dans le choix ou non de la péridurale, elle pose la question du nombre de sage-femmes dans les maternités. « Nous avons globalement le personnel suffisant pour assurer la sécurité des mères et de leurs enfants et une écoute de qualité dans la grande majorité des cas. Mais nous ne pouvons pas avoir une sage-femme au chevet de chaque maman tout au long du travail, c’est certain », reconnaît Francis Puech.
Ecoutez Madeleine Akrich, membre du bureau du CIANE et responsable de l’enquête : « L’argument du manque de personnel ne doit pas freiner le changement des pratiques »
« Le dialogue bénéficie à la femme autant qu'à l'équipe médicale », insiste Madeleine Akrich. Lorsque leurs souhaits ont été pris en compte, les femmes déclarent en effet à 90% avoir bien vécu leur accouchement autant physiquement que psychlogiquement. Ce qui est finalement le but recherché par les unes et les autres.