Calvaire, fléau, malédiction… C’est en ces termes que Maeva Louis décrit sa maladie. A 27 ans, la jeune femme souffre d’acné sévère. Mieux connue sous le nom d’emprunt Mawa Jane dans le monde des blogueuses mode, elle a décidé de briser le tabou autour de ces boutons disgracieux qui lui gâchent la vie depuis son adolescence (voir encadré).
« Je n’ai pas d’autres soucis de santé, mais j’ai de l’acné. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave et ce n’est pas mortel – beaucoup de personnes souffrent de maladies bien plus graves, j’en ai bien conscience – mais c’est désespérant », confie-t-elle à Pourquoidocteur alors qu'a lieu ce samedi la 1ère Journée Nationale pour la Santé de la Peau.
Près de 3 adultes sur 10 touchés
Dans l’imaginaire collectif, acné rime avec ado boutonneux pas toujours très propre sur lui. Pourtant, c’est loin d’être la réalité. « L’acné est une maladie sexiste, explique le Dr Jean-Luc Rigon, dermatologue à Nancy et secrétaire général du syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV). Chez l’homme, l’acné explose au moment de l’adolescence et disparaît par la suite, alors que chez la femme, elle peut apparaître tout au long de sa vie ». En France, on estime qu’environ 20 % des femmes de plus de 20 en souffrent. Elles sont toutefois peu nombreuses à souffrir d’une acné rebelle comme Maeva Louis.
Chez l’adulte, la maladie n’évolue pas de la même manière que chez l’adolescent. Par poussées, l’acné touche principalement le visage et prédomine sur la mâchoire. Le dermatologue recherche alors des signes d’excès d'hormones masculines appelées androgènes dans le sang. « On demande aussi un avis gynécologique, afin de vérifier s’il n’existe pas de kystes au niveau des ovaires ou d’autres maladies plus rares touchant les glandes surrénales qui pourraient provoquer un dérèglement des hormones sexuelles », précise le spécialiste. Mais le plus souvent, les anomalies hormonales ne sont pas la cause de l’acné. A ce jour, les origines de cette maladie chez la femme sont floues. Le stress, l’alimentation ou les cosmétiques sont pointés du doigt, mais rien n’a encore été démontré.
Des traitements efficaces mais dangereux
Dans une grande majorité des cas, l’arsenal thérapeutique actuel permet de guérir en quelques mois cette pathologie de la peau. Mais là encore, le sexisme est de mise. « L’isorétrinoïne (Roaccutane ou Curacné) guérit 4 hommes sur 5 et seulement 1 femme sur 2, relève le dermatologue.
Une efficacité importante au prix d’une surveillance quasi militaire. Les femmes sous isotrétinoïne ou antiandrogènes (comme Androcur) doivent obligatoirement prendre une contraception orale, car le premier peut entraîner des malformations du fœtus ; pour le second, ces effets tératogènes n’ont pas été mis en évidence. Les patientes doivent donc réaliser un test de grossesse 3 jours avant chaque consultation. De plus, ces médicaments peuvent endommager le foie. Des prises de sang régulières sont donc nécessaires pour vérifier la fonction hépatique.
Et malheureusement, pour les femmes comme Maeva Louis, ces cures de plusieurs mois peuvent se solder par un échec. « Les rechutes chez la femme surviennent au plus tôt dans les 6 mois, mais cela peut être 2 ou 3 ans après le traitement par isotrétinoïne, indique le Dr Jean-Luc Rigon. Habituellement, elles sont moins importantes que la première phase de la maladie ». Les victimes d’une acné récalcitrante utilisent alors tous les artifices possibles, entre le fond de teint et autres anticernes pour la camoufler. Un coup de pinceau parfois proche du coup de baguette magique en attendant la prochaine poussée de boutons.
Dix ans de lutte sans succès contre l'acné
« Dès que je ne fais plus rien, que je ne prends plus de médicaments, l’acné revient ». A 27 ans, Maeva Louis ne sait plus quoi faire pour mettre fin à sa maladie. Dans son blog, elle n’hésite pas à parler « d’enfer ».
Comme toute adolescente, Maeva Louis a eu des boutons à l’époque du collège-lycée, mais contrairement aux copines, ils ont décidé de s’installer. Depuis, elle a tout essayé. Antibiotiques, 3 cures d’isotrétinoïne (Roaccutane ou Curacné), pilule Diane 35 combinée à un antiandrogène (Androcur), homéopathie, magnétisme… Elle a même changé d’alimentation, sans succès.
« A un moment donné, j’en ai eu vraiment marre. J’ai réalisé que cela faisait plus de 10 ans que je prenais la pilule, j’ai eu envie de revenir au naturel pour voir si cela allait se réguler tout seul », raconte la jeune femme. A peine quelques mois plus tard, l'acné est bel et bien là, et elle n'a pas l'air de vouloir lui laisser un seul moment de répit.
Sentiment d'impuissance
Désespérée, la jeune femme achète sur internet une cure soi-disant révolutionnaire et naturelle : 18 comprimés à avaler chaque jour pendant 4 mois. Résultat : aucune amélioration et 700 euros dépensés. « Cela paraît dingue mais je ne savais plus quoi faire », se souvient-elle.
Elle a découvert il y a peu l’origine hormonale de sa maladie. Une annonce difficile à encaisser d’autant qu’elle apprend qu’elle devra continuer à prendre Androcur après un ultime essai avec l’isotrétinoïne. « J’ai l’impression de tourner en rond, d’avoir fait tous les traitements possibles. Mais en réalité, ils ne font que camoufler le problème qui est en moi », confie Maéva Louis.
Mais outre l’impact des ces traitements, et en particulier de ces échecs, la jeune femme avoue craindre le regard des autres, même si elle n’a jamais laissé son acné gérer sa vie. « De toute façon, on n’a pas le choix, il faut bien sortir de chez soi. On se tartine de fond de teint en sachant pertinemment que personne n’est dupe, s’amuse la jeune femme. Mais tant que c'est cela, on y pense tout le temps, matin et soir. »