Traiter la mère ou assurer la sécurité de l'enfant à naître ? Telle est souvent la question qui se pose quand une femme enceinte est touchée par un cancer. Pourtant, il serait possible de traiter la mère avec des traitements classiques, sans mettre en péril la santé du bébé. C'est ce que conclut une étude multicentrique menée sur 129 enfants, et présentée ce lundi au Congrès européen de cancérologie qui se tient du 25 au 29 septembre à Vienne (Autriche).
Dix ans de recherche
Interruption de grossesse ou traitement retardé sont encore trop souvent les seules options envisagées lorsqu'un cancer apparaît chez une femmes enceinte. « Comme ces cas sont rares, les médecins sont souvent pris au dépourvu. Ills manquent d'informations et font le choix qui leur paraît le plus sûr », relève Frédéric Amant, gynécologue spécialisé en oncologie à l'université de Louvain.
Avec son équipe, il a voulu évaluer scientifiquement les risques associés aux traitements anticancéreux de la mère pour l'enfant à naître.
Le spécialiste le concède, étudier les cancers de la femme enceinte n'est pas chose aisée. « Il y a dix ans quand nous avons commencé, nous avons simplement observé les quelques enfants nés alors que leur mère avait subi une chimiothérapie, explique le médecin. J'ai alors eu la conviction qu'il fallait continuer pour avoir des preuves que les femmes enceintes pouvaient être traitées sans mettre en péril la vie de leur enfant ».
129 enfants suivis 3 ans
Le chemin a été long, mais aujourd'hui, l'équipe de Frédéric Amant publie dans le New England Journal of Medicine les données obtenues sur 129 enfants, nés après que leur mère a été traitée pour un cancer, principalement du sein ou hématologique. « Nous avons relevé 14 types de cancers différents dans notre étude, précise Frédéric Amant. Mais ce sont des cancers connus pour se produire chez les femmes jeunes. La grossesse ne provoque pas de cancer ! »
Dans 70 % des cas, ces femmes avaient reçu une chimiothérapie après le 1er trimestre, les autres traitements pris en compte étaient la radiothérapie, l’association radio-chimio, la chirurgie seule ou l’absence de traitement.
Les chercheurs ont évalué les fonctions cognitives de ces enfants 3 ans après leur naissance et les ont comparées à celles d'enfants nés de mères en bonne santé, après une durée de gestation comparable. Pour 47 enfants, une évaluation de la fonction cardiaque a aussi été réalisée.
Résultats rassurants
Dans tous les cas de figure, aucune différence n’a été mise en évidence entre les deux groupes d’enfants sur le plan général, cognitif et cardiaque. Cependant, le nombre d’enfants nés prématurément (avant 37 semaines d’aménorrhée) était plus élevé dans le groupe cancer maternel.
Pour le Pr Frédéric Amant, « la plupart de ces naissances prématurées étaient provoquées à la suite d'une décision du corps médical. Pour celles survenues spontanément, l’implication des chimiothérapies ne pouvait être exclue ».
« Les enfants que nous avons suivis ne font pas mieux que ceux dont la mère a eu une grossesse normale, mais ils font "aussi bien", commente Frédéric Amant. Toute grossesse peut être risquée, nos résultats montrent que le cancer ou les traitements associés n'augmentent pas ces risques ».
Les chercheurs espèrent que cette étude, publiée dans une revue de référence, contribuera à l'adaptation des recommandations pour les traitements de femmes enceintes atteintes de cancer. Certains résultats antérieurs avaient déjà été pris en compte pour la prise en charge des femmes enceintes atteintes d'un cancer du sein.
Continuer le suivi
Les scientifiques sont conscients qu'il leur faut maintenant parvenir à recruter plus d'enfants. Ils ont d'ores et déjà annoncé que le suivi des patients de cette étude sera poursuivi jusqu’à leurs 18 ans, afin d'évaluer la survenue de toxicité à long terme.