Après l’opération d’une tumeur au sein, la chimiothérapie peut éviter les récidives. Mais l’Institut Curie veut éviter les traitements inutiles. Les tests qui permettent de prédire son efficacité ne sont pas encore pris en charge par l’Assurance maladie. Pour en évaluer l’intérêt, à la fois sur le plan économique et sanitaire, l’Institut Curie lance une étude prospective.
Sortir de la zone grise
8 centres médicaux publics et privés vont participer à ces travaux sur 200 patientes. A la tête du groupe de recherche, le Pr Roman Rouzier, chef du pôle de sénologie de l’Institut Curie. A l’origine de son projet, un constat : lorsque la tumeur est agressive, la chimiothérapie adjuvante – administrée après une intervention chirurgicale – relève de l’évidence.
Grâce à l'analyse des tumeurs, « on est capable de dire si votre risque de rechute dans les 10 ans est de 6 ou 20 %. Evidemment on agit différemment : quand le risque est de 6 %, on se concentre sur l’hormonothérapie, explique le Pr Roman Rouzier, contacté par Pourquoidocteur. Quand le risque est de 25 %, on se concentre sur une chimiothérapie. Il faut savoir qu’aujourd’hui, sans utilisation du test, il y a une zone grise qui fait qu’on prescrit très probablement un peu trop de chimiothérapies. » Pour évaluer l'agressivité d'une tumeur, et donc l'intérêt d'une chimio, plusieurs tests sont disponibles.
Un intérêt médico-économique
L’étude que lance le Pr Rouzier va tenter de définir précisément l’utilité du test PAM50-Prosigna dans la décision de traiter ou non par chimiothérapie les femmes opérées d’un cancer à un stade précoce. Mais les travaux vont aussi mesurer la confiance qu’ont les praticiens en ce dispositif, et l’état émotionnel des patientes confrontées à cette prise de décision.
Sur le papier, le test pourrait être très intéressant sur le plan financier. Son coût est de 2 118 euros. Celui des chimios a été évalué à 13 000 euros, en tenant compte des molécules génériquées. D’après une étude d’impact réalisée par le Pr Rouzier en 2013, rembourser les tests génomiques aurait permis une économie de 44 millions d’euros sur 53 000 patientes diagnostiquées. Mais il pourrait aussi, et surtout, éviter un traitement lourd à une patiente. Et cet intérêt sur la qualité de vie est au cœur de la pratique médicale.
« L’impact a été évalué. On sait qu’un chimiothérapie fait que la patiente va devoir arrêter son activité professionnelle pendant 6 mois en moyenne. Vous imaginez donc l’intérêt de ne pas faire des traitements inutiles, indique Roman Rouzier. La chimiothérapie apporte un réel bénéfice dans le cancer du sein, mais il faut la faire à bon escient. »
Mais encore faut-il que l'Assurance maladie accepte de prendre en charge les tests génomiques. Et c'est bien tout le problème : toute patiente n'est pas capable de débourser 2 000 euros, et toutes les complémentaires santé n'acceptent pas de le faire. Résultat : ces dispositifs ne sont pas déployés sur le territoire français.