Allaitement et sida ne sont pas incompatibles. Une étude menée dans 4 pays d’Afrique, et publiée ce mercredi dans The Lancet, confirme que traiter en prévention les bébés nés de mères séropositives permet d’éviter la transmission du VIH au cours de l’allaitement.
Ces travaux, réalisés par une équipe de chercheurs de l’Inserm à Montpellier, montrent par ailleurs que cette stratégie préventive est efficace 6 à 12 mois après la naissance. Ceci n’avait encore jamais été analysé alors qu’il est recommandé d’allaiter les bébés jusqu’à leur premier anniversaire, précisent les auteurs.
Dans cette étude randomisée menée au Burkina Faso, en Afrique du Sud, en Ouganda et en Zambie, les chercheurs ont voulu comparer l’efficacité et l’innocuité de la prophylaxie antirétrovirale de deux traitements (le lamivudine et la combinaison de lopinavir-ritonavir) donnés en prévention de la transmission mère-enfant du sida durant 50 semaines d’allaitement.
Moins de 20 bébés infectés
Entre novembre 2009 et mai 2012, plus de 1 230 enfants ont été suivis par l’équipe scientifique. Dès leur 7e jour, les nouveau-nés ont été divisés en deux groupes pour recevoir soit le lamivudine soit la combinaison lopinavir-ritonavir. L’attribution des traitements a été cachée aux participants mais également aux médecins.
Au total, 17 enfants ont été diagnostiqués séropositifs au cours de l’étude. Le nombre d’infections était similaire dans les deux groupes (8 parmi les enfants recevant du lamivudine et 9 parmi ceux recevant la combinaison).
« Il est crucial de souligner que la moitié des infections ont eu lieu dans les deux groupes après 6 mois d’allaitement même si l’exposition au VIH a été réduite durant cette période grâce à une alimentation mixte et l’arrêt de l’allaitement par plusieurs participantes, expliquent les auteurs. Ceci justifie d’étendre la prophylaxie chez les enfants jusqu’au terme de l’allaitement et d’informer les femmes sur le risque persistant de transmission tout au long de l’allaitement afin d’éviter qu’elles n'arrêtent de donner le traitement à leur bébé. »
Adhérence au traitement
De fait, en analysant leurs données, les chercheurs se sont aperçus que la plupart des infections au VIH sont survenues à cause d’un manque d’observance et d’adhésion au traitement, plutôt qu'à un échec thérapeutique. Or, lorsque le traitement est pris correctement, le risque d’infection tombe à 0,2 % pour la combinaison et à 0,8 % pour le lamivudine. « L’adhérence au traitement demeure un facteur-clé de réussite de la prophylaxie, insiste les auteurs. Par ailleurs, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour développer des formules pédiatriques orales au goût plus agréable ainsi que des médicaments injectables à action prolongée. »
Par ailleurs, les chercheurs soulignent l’importance de la prophylaxie antirétrovirale chez les enfants dans cette région du monde où actuellement toutes les mères séropositives n’ont pas accès à ces traitements. Ils affirment donc que les traitements antirétroviraux chez les enfants au cours de l’allaitement devraient aussi faire partie des recommandations internationales.