Mieux vaut mener une grossesse sans médicament. Après certains antidépresseurs, c’est au tour du paracétamol d’être placé sur la sellette. L’antalgique le plus vendu de France aurait des effets à long terme sur la reproduction des bébés exposés in utero. C’est ce que conclut une étude sur le rat publiée dans Scientific Reports. Les dégâts s’observent sur les enfants et les petits enfants des animaux exposés.
Trois groupes de rongeurs en gestation ont reçu pendant 4 jours deux types de médicaments ou un placebo. Les molécules testées étaient le paracétamol et l’indométacine, un anti-inflammatoire non stéroïdien disponible sur prescription – mais formellement contre-indiqué après le 6e mois de grossesse.
Sur deux générations
Les ratons femelles dont la mère a été exposée à l’un ou l’autre des antidouleurs présentent des troubles de la fertilité, conclut l’équipe d’Edimbourg (Royaume-Uni). Le nombre d’ovules est réduit, les ovaires sont de plus petite taille et les portées sont moins nombreuses. De même, la descendance masculine présente moins de cellules qui permettent la création de spermatozoïdes. Mais cette fonction revient à la normale lorsque les animaux atteignent l’âge adulte, ce qui n’est pas le cas chez les femelles. En revanche, deux générations sont touchées par ces perturbations.
Ces résultats abondent dans le sens d’une étude parue en janvier dans Toxicological Sciences. Les auteurs ont observé moins de cellules responsables de la production de gonades et moins de follicules chez les femelles exposées in utero au paracétamol. Mais chez le mâle aussi des effets surviennent : deux études ont mis en évidence un risque accru de cryptorchidie, une malformation qui se manifeste par l’absence d’un ou deux testicules dans le scrotum.
Inhibition de fonctions clé
Ce phénomène s’explique par le fait que le paracétamol, comme l’indométacine, inhibent les prostaglandines. Elles sont impliquées dans la régulation de la reproduction féminine en contrôlant l’ovulation, le cycle menstruel et le déclenchement du travail. Leur sous-production, chez le fœtus, pourrait perturber le développement des cellules germinales qui permettent la formation des ovules et des spermatozoïdes.
Ces résultats sont significatifs car le système reproductif du rat est assez proche de celui de l’homme. Mais le rythme de développement d’un fœtus humain étant plus lent, il sera difficile d’extrapoler ces conclusions.
Il est important de souligner que cette étude a été menée sur le rat, et non l’humain ; cependant, il existe de similitudes entre les deux systèmes reproducteurs, explique le Pr Richard Sharpe, co-auteur de l’étude. Nous devons à présent comprendre comment ces médicaments affectent le développement du système reproductif du bébé dans l’utérus, afin d’appréhender leur effet complet. »
En l’état, les Ecossais suggèrent tout de même de limiter autant que possible la consommation d’antidouleurs au cours de la grossesse – en dose et en durée d’exposition. Mais en France, le paracétamol n’est pas contre-indiqué.