La culpabilité de Zika n’es pas encore prouvée, mais les preuves s'accumulent. Le virus a été détecté dans le liquide amniotique de deux femmes enceintes ayant donné naissance à des enfants atteints de microcéphalie, révèlent des chercheurs brésiliens ce mercredi dans la revue The Lancet Infectious Diseases.
« De précédents travaux ont identifié Zika dans la salive, le lait maternel et les urines des mères et des nouveau-nés après la naissance, explique le Dr Ana de Filippis, responsable de l’étude et spécialiste des Flavivirus à l’Institut Oswaldo Cruz (Rio de Janeiro, Brésil). Mais notre équipe a directement détecté le virus dans le liquide amniotique au cours de la grossesse, ce qui suggère que le virus est capable de passer la barrière placentaire, et d'infecter le fœtus. »
Cette nouvelle preuve s'ajoute à la longue liste accusant le virus Zika. En effet, la semaine dernière, une étude de cas parue dans le New England Journal of Medicine a mis en évidence la présence du virus Zika dans les tissus cérébraux d’un fœtus décédé. Le même jour, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont annoncé avoir fait la même découverte chez 2 bébés décédés de microcéphalie au Brésil.« C’est la preuve la plus solide à ce jour que Zika est la cause de la microcéphalie », a souligné leur directeur Tom Frieden.
Echographie et amniocentèse
Les chercheurs brésiliens ont étudié 2 femmes enceintes de 27 et 35 ans vivant à Paraiba, un état au Nordeste du Brésil où sont apparus le plus grand nombre de cas de microcéphalie. Depuis le début de l’épidémie, plus de 4 000 bébés sont nés avec une tête anormalement petite. En à peine un an, l’incidence de cette malformation congénitale a été multipliée par 20. Néanmoins, le lien avec Zika a été confirmé par les autorités brésiliennes uniquement pour 404 nouveau-nés.
Les 2 jeunes femmes ont présenté des symptômes de Zika au cours de leur premier trimestre de grossesse (fièvre, éruptions cutanées douleurs articulaires). L’échographie réalisée aux alentours de la 22e semaine d’aménorrhée révèle la microcéphalie. Cette malformation pouvant être causée par de nombreux agents infectieux, les médecins proposent à ces futures mères d’analyser leur liquide amniotique.
Les scientifiques cherchent alors la présence des virus véhiculés par le moustique Aedes Aegypti (dengue, chikunguny, Zika), le VIH, le cytomégalovirus, la rubéole, la syphilis ou encore l’herpès. Tous les résultats des tests sont négatifs excepté celui du virus Zika. En outre, les chercheurs s’aperçoivent que les urines et le sang ne contiennent plus le virus alors que le liquide amniotique est encore infecté.
En parallèle, les scientifiques ont analysé entièrement le génome du virus retrouvé chez ces 2 femmes enceintes. Cette analyse confirme que le virus est génétiquement lié à la souche qui a sévit en Polynésie Française en 2013. A posteriori, l’archipel a indiqué qu’au cours de cette flambée épidémique, une dizaine d’enfants a été atteinte de microcéphalie, contre un ou deux cas habituellement.
Accélérer la recherche
« Cette étude ne peut pas affirmer si le virus Zika détecté chez ces deux femmes est la cause de la microcéphalie. Tant que nous n’aurons pas compris les mécanismes biologiques sous-jacents, nous ne pouvons pas être sûrs. C’est pourquoi il est urgent de mener des recherches supplémentaires », insiste le Dr Ana de Filippis.
Un appel à la mobilisation de la communauté scientifique relayé par les docteurs Didier Musso (Institut Louis Malardé, Polynésie française) et David Baud (Hôpital universitaire de Lausanne) dans un commentaire accompagnant cette étude. « Jusqu’à ce que l’épidémie éclate en Polynésie Française, nous pensions que la fièvre Zika était anodine », écrivent-ils en préambule. Mais très vite les complications neurologiques apparaissent, et l’incidence du syndrome neurologique Guillain-Barré et celui de la microcéphalie augmentent. Le même scénario se répète aujourd’hui en Amérique latine dans des proportions vertigineuses. « Et même si toutes les données suggèrent fortement que le virus Zika est responsable des microcéphalies, le nombre de cas liés à cette infection est toujours inconnu. La prochaine étape sera de mener des études de cas-contrôle pour estimer le risque potentiel de microcéphalie après une infection par le virus Zika au cours de la grossesse, le risque d’autres complications fœtales et néonatales et ainsi que l’évaluation des séquelles à long-terme. »