C’est un tournant majeur dans la politique de régulation des naissances en Inde. Le pays, régulièrement secoué par des scandales de stérilisations ratées conduisant au décès de nombreuses femmes, s’apprête à proposer dans ses centres médicaux la contraception injectable gratuite.
4 millions de ligatures de trompes par an
Pendant des décennies, la stérilisation des femmes a été conçue comme le moyen privilégié de régulation des naissances en Inde. L’opinion publique a pu découvrir, au gré des reportages, les conditions effroyables dans lesquelles se déroulaient parfois ces interventions – notamment en milieu rural.
En décembre 2014, treize Indiennes ont ainsi perdu la vie après avoir été stérilisées, et une soixantaine ont été hospitalisées. L’enquête a révélé que le médecin avait opéré 83 femmes en l’espace de 90 minutes, en utilisant la même aiguille, les mêmes gants, et à l’aide d’une pompe à vélo.
Les stérilisations de masse sont en effet très répandues en Inde pour endiguer la croissance de la population, qui a atteint 1,2 milliard d'habitants. Chaque année, environ 4 millions de ligatures des trompes ont lieu, dans le cadre de programmes publics organisés par les États. Elles ciblent en priorité les habitantes des zones rurales, souvent très mal informées.
Méfiance de la population
En septembre, le gouvernement a annoncé sa volonté d’offrir d’autres moyens de contraception à sa population, y compris les contraceptifs injectables, dont l’OMS recommande l’usage chez les femmes en âge de procréer. Actuellement, cette méthode n’est proposée que dans les centres privés ; seule les citoyennes aisées peuvent en profiter. Comme le rappelle le Seattle Time, des études montrent que si les Indiennes espaçaient leurs grossesses de deux ans, la mortalité maternelle et infantile pourrait baisser de 30 % et 10 % respectivement
Pour autant, la décision du gouvernement suscite la méfiance parmi une partie de la population. Paradoxalement, des associations de défense des femmes sont montées au créneau pour dénoncer la fiabilité des infrastructures médicales en Inde, qui seraient incapables de réguler l’utilisation des contraceptifs injectables. Selon ces associations, les femmes risquent de manquer d’informations sur les effets secondaires et les bonnes pratiques liés à ces contraceptifs. Par ailleurs, leur consentement éclairé pourrait ne pas être systématiquement recueilli.
Le gouvernement a toutefois indiqué que la prudence guidera cette campagne. La méthode sera introduite de manière progressive dans certains centres sélectionnés par l’Etat. Elle sera par la suite généralisée aux hôpitaux à travers le pays, dès l’année prochaine. Les implants contraceptifs devraient également devenir plus accessibles.