« Il faut que l’on avance l’âge de vaccination des jeunes filles contre le papillomavirus humain à 11 ans au lieu de 14 ans actuellement. Nous sommes le seul pays à recommander cette vaccination aussi tard. Aussi bien l’Angleterre que l’Allemagne, ou la Belgique le font aux alentours de 10 ans. Il y a de nombreuses bonnes raisons de le faire », confie le Dr Robert Cohen, pédiatre infectiologue et Président du Groupe de Pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP).
Actuellement, les spécialistes constatent que la vaccination contre le cancer du col de l'utérus et les autres maladies causées par les virus HPV est un échec en France. En 2011, on estime que seul ⅓ des jeunes filles de 17 ans ont reçu une vaccination complète avec les trois doses nécessaires pour assurer une bonne protection. A partir notamment de ce constat, les médecins du GPIP et de l’Association Française de pédiatrie viennent de publier un plaidoyer dans les Archives de Pédiatrie dans lequel ils expliquent les différents arguments scientifiques et sociétaux permettant de conclure qu’il faut mainteant avancer l’âge de cette vaccination.
Ecoutez le Dr Robert Cohen, pédiatre infectiologue : « L’âge de vaccination des jeunes filles est souvent trop élevé, 20% d’entres elles ont déjà eu des rapports sexuels quand elles terminent le schéma vaccinal en 3 doses. »
Pourquoi vacciner dès 11 ans ? Ces spécialistes avancent plusieurs arguments. Tout d’abord, en vaccinant les jeunes filles vers 11/12 ans, ils espèrent augmenter le nombre d’adolescentes vaccinées. A cet âge, elles se plient généralement plus volontiers à l’autorité des parents qu’à 16 ans. Les médecins reconnaissent également que passé un certain âge, à l'adolescence, les consultations s’espacent. De plus, à 11 ans, il y a déjà un rendez vous vaccinal recommandé par le Comité Technique des vaccinations (CTV), le rappel Diphtérie, Tétanos, Polio et Coqueluche, plutôt bien suivi par la population.
C’est justement le manque de données concernant les risques éventuels de cette co-vaccination qui avait poussé en partie, les experts du CTV à opter pour l’âge de 14 ans en 2008. Aujourd’hui les signataires de ce plaidoyer signalent que ce doute a été levé grâce à des études scientifiques, ainsi que celui qui consistait à dire qu’en vaccinant les jeunes filles plus âgées, on avait davantage de chance qu’elles aient un taux d’anticorps plus important au moment du 1er rapport sexuel.
Ecoutez le Dr Robert Cohen : « On peut faire les vaccins en même temps, il y a des études qui l’ont montré. Et on sait aussi que même si on vaccine tôt, les anticorps restent présents assez longtemps dans l’organisme. »
Vacciner plus tôt protège mieux : Ces médecins avancent aussi l’argument de l’immunogénicité. Les données disponibles montrent que la réponse immunitaire des adolescentes entre 10 et 14 ans est supérieure à celle obtenue chez les plus de 15 ans. De plus, certaines études montrent que deux doses faites aux alentours de 11 ans sont tout aussi immunogènes que trois doses réalisées après 15 ans.
On pourrait ainsi imaginer réduire un jour le schéma vaccinal recommandé à deux doses et réaliser par la même occasion des économies d’un tiers sur le coût total de cette vaccination pour les pouvoirs publics. Cependant, passer en deux doses aujourd’hui semble difficile, ce schéma n’est pas inscrit dans l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Néanmoins il n’est pas exclu que cela arrive un jour en France. Le Canada et la Suisse l’ont déjà fait, et surtout le Centre européen de contrôle des maladies a pris, en septembre dernier, une position très favorable en faveur d’une réduction du nombre de doses.
Enfin, ces spécialistes favorables à une vaccination plus précoce contre la HPV avancent un dernier argument. En vaccinant dès 11 ans, on limiterait également certaines polémiques anti-vaccinales, notamment celles qui relient vaccination et augmentation de survenue de certaines maladies auto-immunes.
Ecoutez le Dr Robert Cohen : « Les maladies auto-immunes sont naturellement beaucoup plus fréquentes après 15 ans qu’au début de l’adolescence. Du coup, en vaccinant à 11 ans, le risque de coïncidence entre une vaccination et l’apparition d’une de ces maladies est réduit. »
Déclarations d’intérêt
R. Cohen : essais cliniques : en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal(Pfizer, GSK) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant (Pfizer, GSK) et d’auditeur (frais de déplacement et d’hébergement pris en compte par une entreprise) (GSK) ;versements substantiels au budget d’une institution dont il est responsable (GSK, Pfizer, Sanofi-Pasteur MSD,Novartis).