La grossesse, une période d’épanouissement ? Pas pour toutes les femmes enceintes. 10 % d’entre elles souffrent de dépression au cours des neuf mois de la gestation. Plusieurs traitements sont possibles, dont les antidépresseurs. Mais certaines molécules sont sous le feu croissant des critiques. C’est le cas des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), autorisés pendant la gestation.
Et pourtant, une étude de plus jette le doute sur leur innocuité. Parue dans le JAMA Psychiatry, elle établit un lien entre la prescription de ces médicaments et la survenue de troubles du langage chez les enfants exposés in utero.
Un risque accru de 63 %
Les chercheurs de l’université Columbia (New York, Etats-Unis) qui signent cette publication ont puisé dans les registres finlandais. Ils en ont tiré une cohorte de 56 000 enfants, suivis entre 1996 et 2010. Certains ont été exposés aux antidépresseurs dès leur gestation (15 600), d’autres sont nés d’une mère dépressive mais traitée avec une approche non-médicamenteuse (9 500). Ces jeunes ont été comparés à d’autres bambins dont la mère n’a pas présenté de trouble psychique (31 000). Pour l’ensemble de cette population, les troubles du langage, de l’apprentissage scolaire et de la motricité ont été évalués.
L’analyse révèle une association entre la prise d’antidépresseurs ISRS et les troubles de la parole. Les enfants exposés sont 37 % plus à risque d’en développer par rapport à ceux dont la mère était dépressive. La probabilité de perturbations du langage est accrue de 63 % comparé aux bambins dont les mamans étaient en bonne santé. Les médicaments n’ont en revanche pas d’impact sur les troubles de l’apprentissage ou de la motricité.
De nombreuses études
Les chercheurs se montrent prudents face à de tels résultats. Ils soulignent qu’aucun lien de causalité ne peut être établi. Des études plus poussées seront nécessaires pour l’affirmer. Mais ça n’est pas la première fois que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont remis en cause. En effet, ils sont soupçonnés de traverser la barrière du placenta, qui protège le bébé. La paroxétine, notamment, a été pointée du doigt par plusieurs travaux. Les derniers en date établissent un lien avec des malformations fœtales.
Sur un plan plus large, ces traitements ont été liés à des troubles neuro-développementaux comme l’autisme ou l’hyperactivité. Un dossier bien suspect pour cette classe de médicaments qui reste autorisée sans limitation. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) conseille ainsi la fluoxétine, la paroxétine, la sertraline, le citalopram ou l’escitalopram pour les femmes enceintes. Il souligne tout de même l’importance de limiter les prises en charge médicamenteuses : ne doivent être traitées que les femmes dont les symptômes ne sont pas gérés autrement.