Et si le dépistage du cancer du col de l’utérus s’assouplissait ? C’est ce que suggère une étude parue dans le Journal of the National Cancer Institute. Les femmes vaccinées contre les papillomavirus pourraient réaliser moins de frottis. Le vaccin protège en effet contre les souches oncogènes de ce virus. Les patientes sont donc moins à risque de développer une lésion précancéreuse. Au rythme actuel, la probabilité d’un résultat faussement positif est élevée, tout comme le coût.
Des recommandations inadaptées
Le vaccin contre les papillomavirus humains (HPV) est recommandé aux jeunes filles françaises, entre 11 et 14 ans. Un rattrapage est possible jusqu’à 19 ans, à condition de n’avoir pas été exposée au virus. Car le vaccin est préventif : il évite des infections contre sept souches oncogènes, responsables de cancer du col de l’utérus mais aussi de verrues génitales.
Ce geste est complémentaire du dispositif de dépistage en vigueur. A partir de 25 ans, jusqu’à l’âge de 65 ans, les femmes sont invitées à réaliser un frottis tous les trois ans. Un rythme un peu trop intensif lorsque le vaccin a été administré, selon la principale auteure de cette étude. « Les recommandations actuelles ne sont pas très adaptées à ces femmes à faible risque », estime Jane Kim. Cette chercheuse de Harvard (Etats-Unis) a réalisé une modélisation économique à ce sujet.
Espacer les frottis est la solution la plus coût-efficace, selon les résultats publiés ce 17 octobre. La vaccination réduit de 64 % le risque de développer un cancer. Les souches 16 et 18, incluses dès les premiers produits, représentent 70 % des tumeurs en Europe de l’Ouest. Le risque de résultat faux-positif, lui, augmente fortement dans le cadre d’un dépistage tous les trois ans.
Des rendez-vous peu respectés
En termes de qualité de vie et de dépenses, mieux vaut respecter un délai de 5 ans pour les femmes qui ont reçu les vaccins à deux valences (16 et 18), les plus anciens. Le frottis peut alors démarrer entre 25 et 30 ans. Les patientes qui ont reçu les injections les plus récentes – qui contiennent sept souches – peuvent réaliser cet examen une fois par décennie. Les chercheurs recommandent aussi de pratiquer le premier frottis plus tard, entre 30 et 35 ans. Et pour cause : les dernières versions protègeraient contre 90 % des infections par HPV.
Mais l’équipe américaine omet un détail. La participation au dépistage est loin d’être optimale des deux côtés de l’Atlantique. En France, 62 % des femmes seulement réalisent un frottis dans les intervalles recommandés. « Je pense qu'il est trop tôt pour envisager la question de la stratégie la plus coût-efficace, tranche le Pr Olivier Graesslin, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). La couverture par le dépistage est trop faible. » De fait, même dans les régions pilotes qui évaluent l'impact d'un dépistage organisé, la participation est loin d'être suffisante. Elle peine à atteindre la barre des 70 %. Avant même de penser à assouplir, il est donc nécessaire de convaincre.
Aux yeux de Jérôme Viguier, directeur du pôle santé publique et soins à l'Institut national du cancer (INCa), ce manque d'adhésion est en soi problématique. Les femmes qui se font dépister le sont trop souvent, et les autres pas assez. « Il faut un vrai changement de pratiques des professionnels de santé et d'acceptabilité des patientes », préconise-t-il. Sur ce point, le dépistage n'est pas isolé.
La couverture vaccinale est également très faible : moins de 20 % des jeunes filles sont protégées contre les papillomavirus. « Nous avons un gros problème avec la prévalence de la vaccination », reconnaît Jérôme Viguier. Tant qu'elle ne serait pas meilleure, impossible d'envisager une évolution des recommandations.