Plus de 40 ans après la loi Veil, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) continue de déchaîner les passions. Le débat sur l’avortement a été abordé par les candidats à la primaire de la droite et du centre. A l’Assemblée nationale, c’est un autre combat qui a conduit les députés à s’écharper : le délit d’entrave à l’IVG. La Commission des Affaires sociales a examiné ce 23 novembre la proposition de loi de Catherine Coutelle (PS). Elle élargit le délit d’entrave aux supports numériques. La suggestion relève du bon sens, d’autant qu’elle a été avancée dès le mois de septembre par la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol. Mais 10 minutes après le début des débats, la séance a été suspendue.
Les discussions, prévues dans la matinée, n’ont repris qu’après midi, sans les députés du parti Les Républicains. Le texte a finalement été adopté en Commission. Il sera présenté en séance publique le 1er décembre prochain. Mais en quoi consiste exactement ce délit d’entrave à l’IVG ? Pourquoidocteur fait le point.
Des peines alourdies
C’est en 1993 que la notion apparaît dans la loi française. Un texte crée le délit d’entrave. Toute personne qui tente d’empêcher l’accès à une IVG en bloquant l’entrée de l’établissement, ou en exerçant des menaces sur le personnel soignant, ou la femme s’expose à des poursuites. En 2001, ce droit est confirmé et renforcé : les pressions morales ou psychologiques sont également considérées comme une tentative d’entrave. Les peines sont également alourdies : elles s’établissent à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. De quoi dissuader les plus rétrogrades.
L’année 2014 voit la progression se confirmer. La loi du 4 août « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » complète le dispositif. Les femmes qui souhaitent s’informer sont elles aussi considérées comme des victimes si une pression psychologique ou physique leur est opposée.
La désinformation impunie
Mais à l’heure du numérique, l’information provient principalement des supports Internet. Un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) l’a souligné en 2013. Parmi les 15-30 ans, 57 % des internautes féminines se renseignent d’abord sur le web. Or, les sites anti-IVG se montrent très créatifs pour se donner un aspect respectable, voire gouvernemental : mise en place d’un numéro vert, reprise des codes visuels… Ils arrivent même en tête des requêtes sur les moteurs de recherche. Un phénomène que le ministère de la Santé tente d’endiguer.
La proposition de loi de Catherine Coutelle place en ligne de mire les sites anti-IVG qui véhiculent des informations partielles ou erronées. Ces supports pullulent sur Internet sans qu’aucun outil ne permette de les bloquer. S’il est adopté, le texte indiquera que l’entrave peut aussi s’effectuer « soit en diffusant ou en transmettant par tout moyen, notamment par des moyens de communication au public par voie électronique ou de communication au public en ligne » des informations tronquées ou fausses. Il faudra que les députés se montrent convaincants. En septembre déjà, le Sénat a rejeté une proposition similaire.