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De l’animal à l’homme

L’instinct maternel existe-t-il ?

Par Raphaëlle Maruchitch

L’existence d’un instinct maternel chez l’homme divise toujours. Toutefois, la tendance est plutôt à écarter le concept et à déculpabiliser les femmes.

SUPERSTOCK/SIPA

Dans une série de dix épisodes (1), baptisée « Mammas » l’actrice Isabella Rosselini campe des animaux femelles pour parler avec humour de leur instinct maternel. Une certaine espèce d’araignée est capable de se sacrifier pour ses petits, un poisson porte ses œufs dans sa bouche et se prive ainsi de pouvoir se nourrir pendant la maturation de sa progéniture… Ce fameux instinct maternel, bien observé dans le monde animal, est-il aujourd’hui balayé en ce qui concerne l’espère humaine ?

 

« Je crains de ne pas avoir l’instinct maternel », explique une femme sur un forum, un mois avant d’accoucher. Une internaute lui raconte, parlant de son accouchement : « Elle sort et on me la pose sur moi ! Moment très intense, tu oublies tout, elle est là, elle est à toi, l’instinct est arrivé en même temps qu’elle ! ». Une autre répond, rassurante : « L’instinct peut venir au moment où on te met le bébé dans tes bras, comme il peut venir plusieurs jours après […]. On l’a toutes. » Derrière ces doutes, en filigrane, on trouve bien souvent des sentiments de culpabilité qui s’emparent de ces mères en devenir. Dès le début des années 80, Elisabeth Badinter publiait son ouvrage choc L’amour en plus, qui tordait le coup à l’instinct maternel en parlant d’amour maternel, qui se tisse au fil des ans. Pourtant, plus de 30 ans après, nombre de futures et de jeunes mères se posent encore la question, preuve que le débat n’est toujours pas tranché.

 

L’instinct, rappelons-le, est l’ensemble des comportements caractéristiques d'une espèce qui sont transmis par voie génétique et qui s'expriment en l'absence d'apprentissage. Chez l’homme, on peut par exemple citer l’instinct de survie ou l’instinct de conservation. Mais de là à parler d’instinct maternel, il y a un pas. Appliqué aux être humains, le terme gène les spécialistes de la question. Monique Bydlowski, psychiatre et directeur de recherche à l’Inserm, préfère parler de « désir d'être parent, ce qui est plus dans le registre des pulsions qui animent notre vie psychique. »


Ecouter Monique Bydlowski, psychiatre, auteur de Je rêve un enfant (2) : « Le terme d’instinct maternel ne correspond pas à une réalité. L'humain est doté d'un psychisme, qu le fait dévier de ses frères animaux. »

« Lorsque l’on parle d’instinct, on se pose la question de savoir si l’on fait comme les animaux », explique Corinne Antoine, psychologue, auteur de La révolution intérieure. Psychologie de la grossesse et de la maternité (3). Or, en tant qu’humains, « nous ne sommes plus juste dans la survie de l’espèce, nous sommes dans le lien, l’attachement à l’enfant. » Pas de place, donc, pour la culpabilité. Pour elle, devenir parents s’acquiert au fil du temps.


Ecouter Corinne Antoine, psychologue, thérapeute du couple et de la famille : « Il faut que les mères soient rassurées. C’est quelque chose qui va s’acquérir dans l’apprentissage. »

 

 

Cela ne fait pas fi des mères qui sont changées par leur grossesse, qui reconnaissent les pleurs de leur bébé parmi d’autres, qui ont comme un 6e sens vis-à-vis de leur enfant. Elles ne seraient simplement pas juste des “chanceuses” envahies par l’instinct maternel mais des mamans gagnées par l’empathie, un concept clef pour Monique Bydlowski : « L’empathie est la capacité à éprouver ce que l’autre ressent en face de vous, et c’est cela qui est mobilisé face à un enfant. Dès les premières jours, on est amené à se dire : qu’est-ce qu’il ressent ? ».

 

Il semblerait que le tour de la question n’ait pas encore été fait, d’autant plus que depuis que les femmes bénéficient de la contraception, devenir parent relève du choix. « Autrefois, c’était le destin d’avoir un enfant, rappelle Monique Bydlowski. Ce qui est dur aujourd’hui, c’est que c’est une décision, donc on se sent responsable alors qu’avant cela « arrivait » aux femmes. » Quant aux animaux, il sont loin d’être toujours un modèle. La femelle hamster par exemple, libre de tout préjugé et forte de son instinct maternel, n’hésite pas à manger quelques-uns de ses petits pour reprendre des forces après avoir mis bas.


(1) Diffusés en ce moment sur Arte

(2) Ed. Odile Jacob

(3) Ed. Larousse