Le phénomène est désormais social. Pour les Français, s’enivrer n’est plus un tabou. 38 % d’entre eux admettent avoir connu une alcoolisation ponctuelle importante, aussi nommée binge-drinking. Les femmes ne sont pas en reste, surtout les plus jeunes, donc celles en âge de procréer. Santé publique France s’est donc penchée sur la perception de ces ivresses par les futures mères.
Si la règle du « Zéro alcool pendant la grossesse » est claire, il n’est pas rare qu’une cuite survienne avant que la femme ne se sache enceinte. Mais en France, peu de supports permettent aux femmes concernées de s'informer. Stéphanie Toutain, sociologue, le souligne dans une étude publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH).
Des comportements à risque
Sur le papier, les Françaises sont plutôt d’accord sur un point. Une ivresse, même unique, expose le fœtus à un risque. Le niveau de connaissance est toutefois hétérogène, au vu des échanges relevés sur des forums, et qui ont servi de base à cette étude. Certaines évoquent un risque tardif, d’autres « l’autonomie du fœtus » vis-à-vis de la mère…
C’est en partie pourquoi les recommandations officielles tranchent radicalement dans un sens : pas une goutte d’alcool pendant la grossesse. « La recommandation est volontairement excessive, admet le Pr Bernard Hédon, gynécologue au CHU de Montpellier (Hérault). De cette manière, le message est clair. »
Mais la médaille a son revers. Le problème, c’est que 28 % des étudiantes connaissent des alcoolisations ponctuelles importantes. Si elles n’interrompent pas leur consommation en période de conception, la découverte d’une grossesse est une raison suffisante pour arrêter. « Quand on sait qu’on est enceinte, on va éviter tous les toxiques », confirme Bernard Hédon. Mais ce comportement ne vaut pas avant la conception.
Des campagnes ciblées
Des expositions accidentelles à l'alcool surviennent donc. Et 80 % des femmes ont ressenti de la culpabilité en apprenant qu’elles avaient bu enceintes. Face à un message aussi clair, difficile de ne pas angoisser. Face à ces inquiétudes, le Pr Hédon se veut rassurant. « Restons rigoureux, mais n’en faisons pas une paranoïa », sourit-il. Autrement dit, les accidents sont tolérables… mais doivent rester des accidents.
Peut-on quand même limiter les expositions involontaires ? En France, les autorités ont choisi de ne pas développer de campagnes à destination des adeptes du binge-drinking. Et donc, implicitement, de concentrer le message sur les consommations régulières, lors de grossesses connues.
Quatre pays scandinaves ont fait un autre choix : celui de cibler les femmes en période de conception avec d’autres campagnes. Au nom du principe de précaution, les autorités recommandent de ne pas prendre de risque.
Comme le souligne l'étude, en cas d'exposition accidentelle à l'alcool, les femmes font confiance à leur médecin. Alors que les proches, les mères en particulier, sont des conseils de choix sur divers sujets pour les femmes enceintes, c'est avec leur praticien qu'elles évoquent plus volontiers ces épisodes d'ivresse. Médecins qui se montrent plutôt rassurants avec leur patientes, tout prônant la modération, relèvent les chercheurs. « Une consommation accidentelle ne se traduit, habituellement, par rien de significatif », estime d'ailleurs le Pr Hédon.