Vous êtes incapable de vous endormir sans être allée vérifier plusieurs fois que votre bout de chou respire calmement ? Vous stérilisez ses biberons plutôt deux fois qu’une et vivez dans la hantise d’une chute de la table à langer ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas folle ni seule. Selon une étude menée à Chicago chez plus de 400 femmes sortant de la maternité, 11% des jeunes mères présentent des symptômes obsessionnels, contre 2% de la population générale. Il s’agit le plus souvent de rituels compulsifs centrés sur la santé et l’hygiène du bébé ou d’angoisses obsédantes sur son bien-être et sa sécurité.
Dans la grande majorité des cas, ces symptômes obsessionnels sont transitoires. Dans l’étude américaine à paraître dans la revue spécialisée The Journal of Reproductive Medicine, 6 mois après la naissance de leur enfant, ils avaient régressé pour plus de la moitié des mères. « Devenir mère est une période de la vie qui cristallise les inquiétudes, c’est courant. Mais l’angoisse ne doit pas envahir durablement le quotidien », souligne le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Si les spécialistes sont si attentifs à ces angoisses de jeune maman, c’est que la période du post-partum agit souvent comme un révélateur en cas de vulnérabilités psychologiques. Pour une partie de ces femmes, la naissance d’un enfant marque l’émergence d’un vrai trouble obsessionnel compulsif, un TOC.
Ecoutez le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris : « Difficile de prévoir quelles femmes vont être concernées, l’anxiété est quelque chose de très banal »
Il faut donc attendre la naissance pour que les signes se manifestent. Toute la difficulté est alors de placer le curseur entre l’attitude d’une mère un peu trop poule et des symptômes véritablement obsessionnels qui doivent alerter. « Chacun a un profil d’inquiétude personnel mais se réveiller la nuit uniquement pour surveiller la respiration d’un enfant en parfaite santé, ce n’est pas naturel », indique le psychiatre.
Ecoutez le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris : « Le trouble est avéré lorsqu’une heure par jour est perdue à des actes ou des inquiétudes qui n’ont pas lieu d’être »
Ce caractère envahissant des symptômes au quotidien est d’ailleurs souvent perçu davantage par le conjoint ou les proches que par la mère elle-même. « Si les angoisses persistent au bout de 2 mois, il faut en parler à son médecin », conseille Antoine Pelissolo. Il est important d’agir vite. D’une part, les premiers mois de vie sont essentiels pour l’établissement de la relation mère-enfant mais aussi car la prise en charge est plus simple si le TOC n’est pas encore ancré. « Faire le point avec son médecin généraliste, pouvoir déposer ses angoisses, c’est souvent très bénéfique. Il n’y a pas forcément besoin d’une thérapie plus structurée », poursuit le psychiatre. La gynécologue américaine à l’origine de l’étude raconte elle-même sa propre peur obsessionnelle de tomber dans l’escalier avec son nourrisson dans les bras pour inciter les femmes à exprimer ces angoisses naturelles, tant qu'elles passent.