Les responsables de l’épidémiologie, cette science de la médecine qui étudie l’évolution de la santé de l’homme, sont très pessimistes sur l’évolution de notre poids et nous prédisent une épidémie d’obésité qui risque de mettre à mal l’évolution globale de l’espérance de vie et de faire le lit à des maladies chroniques désagréables pour la vie quotidienne de ceux qui en souffrent… Ce qui donne la part belle à tous les inventeurs de régimes souvent farfelus et à une recherche de l’industrie pharmaceutique qui pourtant bloque devant ce qui serait son nouveau Graal, la pilule miracle anti obésité !
Pourtant, la solution est connue. On pourrait résumer en disant : il vaut mieux courir que se serrer la ceinture… C’est ce qu’a démontré depuis plus de 20 ans une large enquête, qui s’appelle EPIC-Norfolk, et qui au départ s’intéressait au cancer. Une enquête très importante puisqu’elle portait sur 20 000 hommes et femmes, qui ont été pesés et mesurés. Un prélèvement ADN a permis de déterminer leur prédisposition à l'obésité. De là, les scientifiques ont regardé si un facteur d'environnement comme l'activité physique pouvait influencer cette susceptibilité génétique. Les résultats ont étonné tous les médecins : chez ces gens, l'activité physique a bel et bien réduit le risque génétique d'obésité de 40%. Conséquence : ces gens n’ont pas maigri… ils n'ont tout simplement jamais grossi. En utilisant un remède universel et gratuit : l’exercice physique ! Ces résultats prometteurs ont fait beaucoup de bruit à l’époque car ils donnaient aux médecins des outils les guidant, à la fois pour prévenir et prendre en charge de façon optimale des maladies chroniques comme l'obésité pour lesquelles l'observance, c’est-à-dire la capacité à suivre les conseils et les prescriptions des médecins, est difficile.
La suite de l’histoire n'a malheureusement pas confirmé ces belles promesses. Pas parce que les résultats étaient faux, mais parce que la solution tarde à être mise en place… Ce scoop médical, qui pour une fois ne concernait pas la souris, était la promesse d’aller mieux à un horizon assez court (environ 20 ans), car non seulement on savait dépister très en amont avant les dégâts… mais surtout, on connaissait le traitement.
Epigénétique
A l’époque, cette étude fut une des découvertes de l’année. Qui mettait en lumière une notion très moderne à l’époque : cette façon qu’a l’acquis de transformer nos gènes. La raison pour laquelle les enfants des fumeurs de haschich souffrent plus de psychose que les autres, pourquoi des dizaines d’années après une famine, les petits-enfants des survivants connaissent des problèmes alimentaires porte un nom. Pourquoi les femmes, enceintes durant les événements du 11 septembre 2001, à New York, ont accouché d’enfants dont le taux de cortisol restait beaucoup plus élevé que la normale (le cortisol est une substance sécrétée en cas de stress), c’est l’épigénétique, une nouvelle discipline de la médecine, qui propose une explication et qui a fait irruption dans l’éternel débat entre l’inné et l’acquis.
Cela signifie que certaines maladies ne sont pas dues à une grosse modification des gènes, mais à des mutations très subtiles et individuelles qui seront probablement présentes chez les descendants dès les générations suivantes.
Dans la théorie de l’évolution des espèces qui, au cours des millions d’années, a transformé le poisson en homme, on ne pensait pas que des modifications à l’échelle d’une vie étaient possibles. L’épigénétique se propose de retrouver les marques de l’environnement, des médicaments ou des événements de notre existence, sur les gènes de chacun d’entre nous et de façon individuelle.
La différence entre la génétique et l’épigénétique est celle qui existe entre l’écriture d’un livre et sa lecture. Le livre écrit, tous les exemplaires vendus seront les mêmes. Cependant, chaque lecteur aura une interprétation légèrement différente de l’histoire, qui suscitera en lui des émotions et des projections personnelles au fil de sa lecture. D’une manière très comparable, l’épigénétique permettrait plusieurs lectures d’un gène, donnant lieu à diverses interprétations, selon les conditions dans lesquelles est placé chacun de nous.
Le livre de la lutte contre l’obésité est ouvert, mais pour des lecteurs pour le moment aveugles…