Le nombre de cas d’obésité a presque triplé depuis 1975 dans le monde. D’après l’OMS, en 2016, plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids et parmi eux, plus de 650 millions étaient obèses. Ainsi, 39% des adultes âgés de 18 ans et plus étaient en surpoids et 13% obèses. Cette augmentation de poids s’accompagne d’une augmentation de taux de maladies cardiaques, de diabète ou encore de troubles tels que l’hypertension. C’est pourquoi, face à l’enjeu de santé publique mondiale que représente le surpoids, les chercheurs travaillent de plus en plus sur le sujet. Dans une étude parue jeudi 9 janvier dans la revue Current Biology, des chercheurs américains ont démontré que le centre de plaisir du cerveau produisant la dopamine chimique et l’horloge biologique qui régule les rythmes physiologiques quotidiens sont liés. Les aliments riches en calories, qui procurent le plus de plaisir, perturbent les horaires normaux d’alimentation, ce qui entraîne une surconsommation et donc à terme, un surpoids et des maladies.
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs de l’université de Virginie (Etats-Unis) ont travaillé sur des souris. Ils ont découvert que les animaux nourris avec une alimentation comparable à un régime sauvage en calories et en graisses maintenaient des horaires normaux d’alimentation et d’exercice et un poids adéquat. En revanche, les souris nourries avec un régime riche en calories chargé de graisses et de sucres commençaient à grignoter à n’importe quelle heure et devenaient obèses.
Quant aux souris dont on avait perturbé la signalisation de dopamine, elles ne cherchaient pas le plaisir d’un régime riche en graisses. Elles ont ainsi continué à manger à des horaires normaux et ne sont pas devenues obèses, même après qu’on leur a présenté des aliments riches en calories disponibles en permanence.
Des aliments hautement transformés facilement disponibles et peu chers
“Nous avons montré que la signalisation de la dopamine dans le cerveau régit la biologie circadienne et conduit à la consommation d'aliments à forte densité énergétique entre les repas et pendant les heures impaires”, explique Ali Güler, professeur de biologie à l'université de Virginie.
Dans le passé, d’autres études ont déjà montré que quand les souris mangent des aliments riches en graisses entre les repas, les calories en plus sont beaucoup plus facilement stockées sous forme de graisses que le même nombre de calories consommées pendant des périodes normales d’alimentation. Cela finit donc par entraîner de l’obésité et les maladies qui lui sont liées.
“Le régime alimentaire aux États-Unis et dans d'autres pays a changé de façon spectaculaire au cours des 50 dernières années environ, avec des aliments hautement transformés facilement et bon marché disponibles à toute heure du jour ou de la nuit. Beaucoup de ces aliments sont riches en sucres, en hydrates de carbone et en calories, ce qui en fait un régime alimentaire malsain lorsqu'ils sont consommés régulièrement pendant de nombreuses années”, commente Ali Güler.
“Les calories d'un repas complet peuvent maintenant être emballées dans un petit volume, comme un brownie ou un super-soda. Il est très facile pour les gens de surconsommer des calories et de prendre un poids excessif, ce qui entraîne souvent l'obésité et une vie entière de problèmes de santé connexes”, poursuit-il.
Des horloges biologiques complètement perturbées
Depuis des milliers d’années, le corps humain est fait pour consommer autant de nourriture que possible pour se préparer aux période de famine. “Il est naturel pour notre corps en tant qu'organisme de vouloir consommer le plus possible, de stocker de la graisse, car le corps ne sait pas quand le prochain repas arrive”. Cependant, à l’heure actuelle, nous n’avons plus les mêmes pressions. “Bien sûr, la nourriture est maintenant abondante, et notre prochain repas est aussi près que la cuisine, ou le drive-in du fast-food le plus proche, ou ici même sur notre bureau. Souvent, ces aliments sont riches en gras, en sucre et donc en calories, et c'est pourquoi ils ont bon goût. Il est facile de les surconsommer, et, avec le temps, cela nuit à notre santé”, explique Güler.
Par ailleurs, avant l’avènement de notre société contemporaine, les gens commençaient à travailler à l’aube, faisaient souvent des travaux manuels et aller se coucher en même temps que le soleil. Le rythme humain était donc beaucoup plus aligné avec la nature. Désormais, nous travaillons et mangeons jour et nuit sans discontinuer avec beaucoup moins d’activité physique. Par conséquent, nos horloges corporelles sont complètement perturbées.
“Ce mode de vie qui consiste à s'allumer en permanence et à manger à tout moment modifie les habitudes alimentaires et affecte la façon dont le corps utilise l'énergie. Il modifie le métabolisme — comme le montre notre étude — et conduit à l'obésité, qui provoque des maladies. Nous apprenons que le moment où nous mangeons est tout aussi important que la quantité que nous mangeons. Une calorie n'est pas seulement une calorie. Les calories consommées entre les repas ou à des heures impaires sont stockées sous forme de graisse, et c'est la recette d'une mauvaise santé”, conclut Güler.
La lutte contre l’obésité continue
Conscient de ce problème majeur, les gouvernements des pays riches essayent de lutter contre l’obésité en lançant divers programmes de sensibilisation auprès des populations. En France, le 4e Programme national nutrition santé (PNNS) lancé en septembre par la ministre de la Santé a pour objectif de diminuer de 15% l’obésité dans le pays, de stabiliser le surpoids chez les adultes, de renforcer la prescription d’activité physique et de mieux prendre en charge les personnes touchées.
En décembre, si la Cour des comptes a salué cette politique “volontariste”, elle a déploré un manque de coordination. Pour être plus efficace, les experts conseillent de passer par “une régulation plus contraignante” des industriels de l’agroalimentaire. “Pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, les pouvoirs publics ont (…) choisi une méthode incitative reposant sur le volontariat des industries agroalimentaires”. Or, “les résultats obtenus par cette autorégulation montrent aujourd’hui leurs limites”, estime le rapport.