Le message d’Angelina Jolie a été entendu. Lorsque la comédienne américaine a annoncé, en mai dernier, qu’elle avait subi une double mastectomie, elle a expliqué les raisons médicales de son geste mais aussi qu’elles souhaitaient que d'autres femmes puissent bénéficier de son expérience. Depuis cette annonce, le centre de recherche sur le cancer britannique a enregistré un boum dans les demandes d’information sur la mastectomie. En fait, le nombre d’appels au centre téléphonique du Cancer Research UK concernant l’ablation des seins aurait été multiplié par quatre depuis ces révélations.
60% de tests génétiques en plus au Canada...
Au Canada, l’information a aussi eu un impact fort. L’agence de lutte contre de le cancer de Colombie britannique a quant à elle enregistré une très forte hausse des demandes de tests génétiques. Ces femmes voulaient savoir si elles étaient porteuses, comme Angelina Jolie, des gènes BRCA1 ou BRCA2, qui prédisposent au cancer du sein. De mai à août, il y a eu plus de 1300 demandes de conseil génétique auprès de l’Agence de lutte contre le cancer, ce qui correspond à une hausse de 60% par rapport à l’année précédente.
... et en France aussi
En France, où seulement 5% des femmes subissent une mastectomie préventive, aucune donnée officielle ne permet pour le moment d’évaluer l’effet Angelina Jolie. A l’Association Europa Donna, qui soutient les femmes atteintes d’un cancer du sein, « le standard a quasiment explosé le jour où Angelina Jolie a fait ses révélations mais c’est retombé comme un soufflet, indique Nicole Alby, la présidente d’honneur de l’Association. Et c’est mieux comme ça car la question de la mastectomie préventive chez les femmes BRCA1 et 2 est tellement délicate. Il faudrait surtout que les gynécologues soient mieux formés à faire un bon interrogatoire de leurs patientes pour que cette question soit abordée, » estime Nicole Alby.
Evoquer la mastectomie choque moins les femmes
Pour le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service génétique oncologique à l'Institut Curie, l’effet Angelina Jolie a été plus net. « Depuis le mois de mai, j’ai clairement observé une augmentation du nombre de consultations génétiques. L’effet commence à s’estomper mais je dirais que les demandes ont globalement doublé. » Pour l’oncogénéticienne, c’est une bonne nouvelle puisque 120000 Françaises ignoreraient qu’elles sont porteuses des gènes défectueux BRCA1 ou 2.
L’autre conséquence de cette médiatisation est d’avoir faciliter la discussion sur la mastectomie entre les femmes et leur médecin.
Ecoutez le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service génétique oncologique à l'Institut Curie : "Certaines patientes étaient choquées par l'évocation d'une mastectomie. L'effet Angelina Jolie, c'est de permettre une discussion plus libre sur ce geste radical."
Cependant, la médiatisation pourrait aussi avoir un effet pervers. Certes, la mastectomie préventive, ou encore prophylactique, est la technique la plus efficace pour éviter un cancer, même si environ 2% des femmes qui ont eu une ablation des seins développent tout de même un cancer du sein. Mais, ce n’est pas la méthode miracle pour toutes les femmes à risques de développer ce cancer. Or, certaines femmes atteintes d’un cancer du sein demandent une mastectomie controlatérale prophylactique. Autrement dit l’ablation du sein malade mais aussi de celui qui est sain. « Les chirurgiens de l’Institut Curie m’ont dit avoir en effet beaucoup de demandes de mastectomies controlatérales prophylactiques, confirme Dominique Stoppa-Lyonnet. Mais là, l’option est tout à fait discutable. »
Ecoutez le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet : "C'est vrai qu'elles ont un risque plus fort d'atteinte de l'autre sein que les femmes qui n'ont pas eu de cancer. Mais, ce n'est pas énorme. Il faut donc mettre cela en balance avec une chirurgie lourde."
Un effet pervers de l'annonce d'Angelina Jolie
Une étude parue le 17 septembre dans les Annals of internal medicine a montré que 95% des femmes qui optent pour une mastectomie controlatérale prophylactique pensaient qu’elles auraient ainsi une meilleure espérance de vie. Or, les auteurs précisent que l’on ne dispose pas de données fiables pour affirmer que la mastectomie controlatérale prophylactique améliore la survie. « Beaucoup de femmes surestiment leur risque qu’une tumeur se développe dans le deuxième sein », ajoutent les chercheurs. Ils préconisent donc que les médecins soient mieux formés à l’intérêt de cette intervention afin que les femmes puissent prendre une bonne décision. Et qu’elles mesurent bien les risques d’une telle intervention. Certes, la grande majorité des femmes interrogées dans cette étude ne regrettaient pas cette double mastectomie mais 33% d’entre elles reconnaissaient qu’elles avaient sous-estimé l’impact de cette chirurgie lourde.