Chaque hausse de 5 microgrammes (µg) de particules fines par m3 d’air augmente de 18% le risque, pour les femmes enceintes qui respirent cet air pollué, de donner naissance à des bébés de petit poids, c’est à dire nés à terme mais pesant moins de 2,5 kg. C’est le résultat d’une très large étude de cohorte européenne qui a impliquée 74 000 femmes ayant accouché entre 1994 et 2011. Dans 12 pays européens dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou encore la Finlande, les concentrations de polluants atmosphériques (dioxyde d’azote et particules fines en suspension) ont été évaluées durant la grossesse à l'adresse du domicile de chaque femme. La densité du trafic sur la route la plus proche et le volume total de trafic sur toutes les routes principales dans un rayon de 100 m autour de leur lieu de résidence ont également été enregistrés. C’est ce qui permet à cette équipe de chercheurs européens de chiffrer aujourd’hui l’impact pour le fœtus de la pollution subie par sa mère au cours la grossesse.
Naître avec un petit poids expose à des pathologies dès l’enfance
« Plus le niveau d’exposition à la pollution, notamment par les particules fines, est élevé, plus le risque de petit poids de naissance augmente et plus le périmètre crânien du bébé à la naissance diminue », explique Rémy Slama, co-auteur de l’étude et directeur de recherche à l’Inserm à Grenoble. Or le petit poids à la naissance n’est pas sans conséquence sur la santé de l’enfant.
Ecoutez Rémy Slama, directeur de recherche en épidémiologie environnementale à l’Institut INSERM Albert Bonniot à Grenoble : « Les enfants nés avec un petit poids sont plus à risque de troubles respiratoires, cardiaques, de diabète et de surpoids. On peut donc s’interroger sur des conséquences à long terme de la pollution. »
Un impact aussi important que le tabagisme pendant la grossesse
Les chercheurs soulignent que ce risque accru de faible poids de naissance persiste en dehors des pics de pollution et à des taux inférieurs à la norme européenne actuelle de qualité de l’air, qui est de 25 µg/m&³3; pour les particules fines. Si le niveau de particules fines était réduit à 10 µg/m&³3;, qui est la valeur cible recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, 22% des cas de petits poids à la naissance pourraient être évités. « Si les femmes fumeuses de notre étude avaient toutes arrêté de fumer, la même réduction de l’ordre de 20% des cas de petit poids de naissance aurait été observée. Ce qui donne un ordre de grandeur de l’ampleur de l’impact de la pollution sur la grossesse. A l’échelle d’une population, il est comparable à celui du tabac », explique Rémy Slama.
Ecoutez Rémy Slama : « Compte tenu du nombre de femmes exposées à la pollution, à l’échelle d’une population, tabagisme et pollution ont le même impact sur les petits poids de naissance »
Mais si les femmes enceintes peuvent arrêter de fumer pendant 9 mois, elles sont bien obligées de respirer l’air pollué qui les entoure. La prévention passe essentiellement par des décisions politiques pour développer les modes de transport moins polluants, réglementer le chauffage urbain ou encore agir sur le trafic automobile. « Il n’y a pas, à l’échelle individuelle, de méthode simple et réaliste pour se protéger de la pollution pendant sa grossesse, souligne Rémy Slama. On ne va pas recommander aux femmes enceintes de porter un masque pendant 9 mois, ni de déménager hors des villes polluées ! La question est avant tout dans les mains des pouvoirs publics et des collectivités territoriales ».