- Mieux Vivre Santé : Selon un nouveau sondage, 8 Français sur 10 se disent concernés par des réveils nocturnes. Est-ce un problème ?
Isabelle Poirot - Pas forcément. Lorsque l’on se réveille ponctuellement la nuit, c’est dû au fait que le cerveau teste de temps en temps sa capacité à réagir en cas de danger, car quand l’homme vivait encore à la merci des prédateurs, le sommeil était une vraie période de vulnérabilité.
Les réveils nocturnes ne deviennent pathologiques que lorsqu’ils se produisent au moins trois fois par semaine, qu’ils sont conscients, qu’ils se répètent pendant la nuit, qu’ils durent longtemps, qu’ils provoquent des dysfonctionnements la journée, qu’ils génèrent de l’angoisse et qu’ils rendent les réveils pénibles. Sans traitement, le risque est alors de tomber dans le cercle vicieux de l’insomnie chronique, un état provoquant de nombreux problèmes de santé à court et à long terme (stress, trouble de la régulation des émotions, hyperéveil, hypertension, dépression, suicide, difficultés de concentration, prise de poids, etc...) ainsi qu’une perturbation de l’équilibre professionnel ou personnel (famille, amis, loisirs...).
- Quelles sont les populations les plus touchées actuellement par ce phénomène ?
On sait depuis longtemps que les femmes et les plus de 65 ans sont particulièrement touchés par les problèmes de sommeil. Mais depuis la crise sanitaire de la Covid-19, de plus en plus de jeunes Français en souffrent aussi.
- Quelles peuvent en être les causes ?
Tout ce qui est lié au changement : déménagement, découverte du monde du travail, entrée dans la vie de couple, séparation... Les réveils nocturnes peuvent aussi apparaître lorsque l’on est confronté à des soucis de la vie, des situations qui ne sont pas en accord avec ses propres valeurs, un stress important ou une mauvaise gestion des émotions.
Concernant plus particulièrement les jeunes, la perturbation de leurs nuits est clairement liée à une détérioration de leur santé mentale, elle-même provoquée par la crise sanitaire, un futur anxiogène, une distorsion entre ce qu’ils attendent de l’existence et ce que la société leur donne, ainsi que la volonté de ne pas rentrer dans le moule que leur propose le monde du travail actuel.
Après, tout le monde ne va pas avoir un réveil nocturne dans les mêmes conditions : cela dépend du "terrain" de chacun.
- Que conseillez-vous de faire lorsqu’on se réveille en pleine nuit ?
Il faut d’abord ne pas chercher à se lever immédiatement, afin de laisser le temps au cerveau de se rendormir. Mais si jamais on commence à sentir une pointe d’énervement et qu’on trouve le temps long, je conseille alors de quitter son lit afin de le rafraîchir, de changer de pièce et d’entamer une activité soporifique, comme par exemple la lecture d’un livre décrivant des paysages ou l’écoute d’une musique douce.
Chez les personnes anxieuses, la relaxation via des exercices de respiration est aussi une bonne option. On peut également se lancer dans un "body scan" en se concentrant successivement sur toutes les parties de son corps (orteil, mollet, cuisse, ventre...), ou se rappeler du dernier endroit où l’on s’est senti particulièrement bien (vacances, sorties...). Toutes ces activités doivent se faire dans une lumière très tamisée, plutôt orangée et émise loin de l’œil.
- A l’inverse, quels sont les mauvais réflexes ?
Je préconise d’abord d’éviter de faire une activité trop stimulante, l’idéal étant de ne solliciter qu’un seul sens en étant le plus passif possible. Il faut également veiller à ne pas s’exposer à une lumière trop forte. En ce sens, l’usage du téléphone, de la tablette, de l’ordinateur (recherches internet, réseaux sociaux, applications) et de la télévision sont à bannir à ce moment de la nuit, tout comme la lecture de livres trop prenants émotionnellement.
Par ailleurs, en cas d’un fort manque de nicotine lors d’un réveil nocturne, mieux vaut utiliser des patchs plutôt que de fumer des cigarettes.
- Que doit-on faire le lendemain d’une nuit hachée ?
Même si on a mal dormi, il ne faut surtout pas augmenter ses doses quotidiennes d’excitants comme le café, le thé ou les boissons énergisantes. Je conseille également de ne pas chercher à récupérer le sommeil manquant en se levant plus tard, en faisant une sieste prolongée ou en se couchant plus tôt.
- Y a-t-il des choses à éviter au quotidien pour arriver à dormir d’une traite ?
Oui. J’invite à éviter de faire du sport tard le soir et à couper tous les écrans au moins une bonne heure avant d’aller se coucher (si ce dernier point est trop dur à mettre en place, sachez que regarder la télévision est moins nocif pour le sommeil que de traîner sur son téléphone portable, NDLR).
Bien aménager son environnement, avoir une alimentation équilibrée et faire une activité physique régulière* favorisent également un sommeil de qualité, tout comme le fait de se lever et de se coucher tous les jours à la même heure. En effet, le week-end et les vacances ne sont que des inventions de notre société moderne et ne sont pas forcément adaptés à notre organisme naturel.
- Qui faut-il consulter en cas de réveils nocturnes pathologiques ?
Si la gêne dure plus de trois mois, je conseille d’abord d’en parler à son médecin généraliste, qui orientera selon les besoins vers un pneumologue, un psychologue, un psychiatre ou un somnologue spécialisé dans les troubles du sommeil, sachant qu’il existe des programmes de soins en ligne.
Faire le questionnaire du Réseau Morphée peut aussi aider à évaluer s’il faut se faire prendre en charge ou non.
- Faut-il avoir recours à une médication ?
Les recommandations officielles estiment qu’il vaut parfois mieux traiter les réveils nocturnes avec des médicaments plutôt que de laisser l’insomnie chronique s’installer, car c’est très dur d’en sortir une fois qu’elle est constituée. Néanmoins, leur recours ne doit être que ponctuel ou limité dans le temps, afin de par exemple faire face à une grosse échéance ou de sortir d’une mauvaise période (licenciement, décès...).
*Au moins les 6 000 pas par jour recommandés par l’OMS.