Le rachat controversé de Twitter par le milliardaire Elon Musk n’a pas fait fuir les utilisateurs, au contraire ils seraient encore plus nombreux qu’avant. TikTok devrait compter plus de deux milliards d’utilisateurs en 2023. Le "Metavers" de Mark Zuckerberg nous annonce des lendemains immergés dans des univers numériques... Les réseaux sociaux prennent de plus en plus d’importance et de temps dans nos vies. Du réveil au coucher, cinq minutes par-ci, cinq par-là, on se fait happer par l’écran, parfois pour de bonnes raisons (comme prévoir un événement avec ses amis) mais souvent dans l’unique but de "tuer le temps" ou par peur de rater quelque chose (syndrome FOMO, "Fear of missing out"). Au bout du compte, selon une récente enquête, un adulte en France passe plus de 3 heures et demie par jour sur son smartphone, les réseaux sociaux en premier lieu. C’est 30 % de plus qu’en 2019 – les confinements anti-Covid n’ont rien arrangé. Une autre étude menée en Europe estime même que les Français passent un tiers de leur vie sur Internet (tous supports confondus), soit autant voire plus que dans le lit... Seriez-nous donc tous accros ?
« L’addiction aux réseaux sociaux n’est reconnue par aucune instance officielle, mais cela n’empêche pas certains d’avoir un comportement compulsif avec les réseaux, voire un rapport addictif, explique Michaël Stora, psychologue et psychanalyste, auteur de Réseaux (a)sociaux - Découvrez le côté obscur des algorithmes (éd. Larousse, 2021). C’est une addiction sans substance d’un nouveau genre, une habitude comportementale qui vient nous distraire et provoquer une sensation de bien-être, comme un doudou. » Nous entretenons en effet un rapport quasi intime avec nos réseaux : grâce aux algorithmes qui vont déterminer nos centres d’intérêt, on se retrouve dans un environnement qui nous est familier, perpétuellement en quête d’une perle rare.
Déjà, il faut commencer par se demander pourquoi on s’adonne autant aux réseaux sociaux, prévient le psychiatre François Boilly, spécialiste des questions d’addiction. « C’est lorsqu’il y a une rupture des liens sociaux qu’il faut s’interroger. Souvent, le repli dans les écrans n’est qu’un symptôme qui révèle un malaise plus profond, comme des problèmes à l’école ou au sein des familles, des couples. C’est un refuge. » Autrement dit, plus on s’épanouirait dans la vie réelle, moins on ressentirait le besoin d’aller sur les réseaux sociaux. « En prenant conscience de cela, on peut mettre un frein et tenter de réinvestir notre capacité à affronter le réel et ses problèmes. L’objectif à terme, dans le cadre d’un rapport compulsif à Internet, une addiction sans substance donc, n’est pas d’arriver à l’abstinence (sauf pour les cas sévères, pour lesquels il faut consulter) mais à un usage contrôlé. »
Pour garder un pied et la mémoire dans la réalité, une des solutions serait de partager davantage avec ses proches (famille, amis...) ce que l’on regarde. « La plupart d’entre nous consommons les réseaux seuls devant leur écran, regrette le psychologue. Le piège, c’est de ne jamais sortir de sa bulle. Il faut donc parler de ce qu’on voit, regarder ensemble, en parler, s’enrichir mutuellement. » Votre ado vous fait découvrir le morceau d’un nouveau rappeur sur TikTok ? Montrez-lui les images d’un concert de votre jeunesse sur YouTube ! « C’est une manière de refaire le lien entre le virtuel et le réel », confirme François Boilly.
Autre piste pour calmer sa dépendance vis-à-vis les réseaux sociaux : migrer vers d’autres plateformes supposées moins addictives et nocives pour la santé mentale, comme BeReal, un "anti-Instagram" qui joue sur la spontanéité des photos partagées, ou CounterSocial, un alter-Twitter qui se veut plus éthique. Mais cela reste des réseaux dits sociaux...
Certains, comme Aurore, 45 ans, s’imposent même un jeûne numérique, à elle et ses enfants de 12 et 15 ans, accros aux réseaux comme tous les jeunes de leur génération : « On ne peut pas leur demander de se modérer seuls, c’est comme demander à quelqu’un qui souhaite faire un régime de ne pas toucher à une boîte de chocolats qu’on lui offre. Pour que leurs cerveaux intègrent l’idée de pouvoir s’en passer, j’interdis donc le smartphone par périodes, le temps d’une soirée ou même parfois d’une semaine de vacances. Et je constate que ça les libère d’une pression, d’une angoisse. » Selon diverses études, une diète digitale permettrait notamment d’améliorer la santé mentale en chassant les idées noires et en réduisant le sentiment de solitude.
Le meilleur moyen de se convaincre de la nécessité d'un sevrage des réseaux sociaux, au moins momentané, c'est peut-être de regarder le récent documentaire "Derrière nos écrans de fumée", de Jeff Orlowski, qui révèle les stratégies savamment établies par les géants du Web pour nous rendre accros à leurs plateformes. Le film pourrait même, selon l’agence internationale Associated Press, « vous donner immédiatement envie de jeter votre smartphone à la poubelle, puis de jeter la poubelle à travers la fenêtre d'un dirigeant de Facebook ».
« L’addiction aux réseaux sociaux n’est reconnue par aucune instance officielle, mais cela n’empêche pas certains d’avoir un comportement compulsif avec les réseaux, voire un rapport addictif, explique Michaël Stora, psychologue et psychanalyste, auteur de Réseaux (a)sociaux - Découvrez le côté obscur des algorithmes (éd. Larousse, 2021). C’est une addiction sans substance d’un nouveau genre, une habitude comportementale qui vient nous distraire et provoquer une sensation de bien-être, comme un doudou. » Nous entretenons en effet un rapport quasi intime avec nos réseaux : grâce aux algorithmes qui vont déterminer nos centres d’intérêt, on se retrouve dans un environnement qui nous est familier, perpétuellement en quête d’une perle rare.
« Le repli dans les réseaux sociaux n’est qu’un symptôme »
Si cela peut rassurer, ce n’est pas entièrement de notre faute si nous restons bloqués devant Instagram jusqu’à 3 heures du matin, alors qu’on voulait seulement regarder les photos de voyage d’un ami pour s’endormir les yeux pleins de rêves et de palmiers. « Les réseaux sociaux sont basés sur l’économie de l’attention, avec des stratégies diaboliques de captation de notre temps. Par exemple : alors qu’on parcourt des vidéos qui font du bien sur TikTok, l’algorithme va nous proposer un contenu violent ou choquant qui sort de l’ordinaire. Pris d’angoisse, on va donc continuer à scroller les contenus ‘doudous’. » Et ainsi rester sur l’application pour avoir notre "dose". Chez les contributeurs, c’est pire : ils se doivent de publier chaque jour, piégés par le modèle économique mais également « dans une addiction aux récompenses (likes, partages...) et une sorte de tyrannie d’idéal (de beauté, de réussite...) néfastes pour leur santé mentale – et la nôtre », note le spécialiste du numérique, qui évoque la frustration, les dépressions ou encore les dérives de la chirurgie esthétique liées aux « clichés » véhiculés par les influenceurs. « Même l’inventeur du bouton ‘J’aime’ sur Facebook a dit qu’il avait créé un monstre. » Comment ne pas être pris dans ses griffes ?Déjà, il faut commencer par se demander pourquoi on s’adonne autant aux réseaux sociaux, prévient le psychiatre François Boilly, spécialiste des questions d’addiction. « C’est lorsqu’il y a une rupture des liens sociaux qu’il faut s’interroger. Souvent, le repli dans les écrans n’est qu’un symptôme qui révèle un malaise plus profond, comme des problèmes à l’école ou au sein des familles, des couples. C’est un refuge. » Autrement dit, plus on s’épanouirait dans la vie réelle, moins on ressentirait le besoin d’aller sur les réseaux sociaux. « En prenant conscience de cela, on peut mettre un frein et tenter de réinvestir notre capacité à affronter le réel et ses problèmes. L’objectif à terme, dans le cadre d’un rapport compulsif à Internet, une addiction sans substance donc, n’est pas d’arriver à l’abstinence (sauf pour les cas sévères, pour lesquels il faut consulter) mais à un usage contrôlé. »
Faire le lien entre le virtuel et le réel
« Plutôt que diaboliser tous les réseaux sociaux et de s’en couper totalement, mieux vaut tenter d’en faire des alliés en les utilisant différemment », propose de son côté Michaël Stora. Par exemple, orienter les algorithmes vers des contenus plus pédagogiques et plus qualitatifs, des vidéos et des images susceptibles de nous apporter quelque chose, des informations, des propositions artistiques... et pas seulement des contenus destinés à tromper notre ennui. « On a le droit de s’évader du monde réel en se divertissant, mais le problème des réseaux sociaux, c’est leur contenu très appauvrissant. On scrolle, on scrolle, hypnotisés, mais on ne retient rien, cela va trop vite. »Pour garder un pied et la mémoire dans la réalité, une des solutions serait de partager davantage avec ses proches (famille, amis...) ce que l’on regarde. « La plupart d’entre nous consommons les réseaux seuls devant leur écran, regrette le psychologue. Le piège, c’est de ne jamais sortir de sa bulle. Il faut donc parler de ce qu’on voit, regarder ensemble, en parler, s’enrichir mutuellement. » Votre ado vous fait découvrir le morceau d’un nouveau rappeur sur TikTok ? Montrez-lui les images d’un concert de votre jeunesse sur YouTube ! « C’est une manière de refaire le lien entre le virtuel et le réel », confirme François Boilly.
Autre piste pour calmer sa dépendance vis-à-vis les réseaux sociaux : migrer vers d’autres plateformes supposées moins addictives et nocives pour la santé mentale, comme BeReal, un "anti-Instagram" qui joue sur la spontanéité des photos partagées, ou CounterSocial, un alter-Twitter qui se veut plus éthique. Mais cela reste des réseaux dits sociaux...
Une cure de déconnexion
Les plus radicaux prôneront la déconnexion, ou tout au moins une connexion maîtrisée. Pas facile alors que le smartphone est utilisé pour tout ou presque (communications, musique, loisirs...) ! Au programme : supprimer les applications pour éviter que la tentation soit à portée de main, ou encore couper toutes les notifications (sons, vibreur, lumières) et réserver un moment donné à la consultation de ses réseaux (par exemple, 10 minutes toutes les 2 heures, ou dans les transports exclusivement). Aucun like ou commentaire n’est vraiment urgent... Pour limiter son temps passé en ligne, on peut également suivre la méthode des "4 pas" imaginée par la psychologue Sabine Duflo et recommandée par le ministère public : pas d’écran le matin, pas pendant les repas, pas dans la chambre et pas avant de se coucher. Bref, un minimum de discipline pour que les réseaux sociaux n’empiètent pas sur les "temps calmes".Certains, comme Aurore, 45 ans, s’imposent même un jeûne numérique, à elle et ses enfants de 12 et 15 ans, accros aux réseaux comme tous les jeunes de leur génération : « On ne peut pas leur demander de se modérer seuls, c’est comme demander à quelqu’un qui souhaite faire un régime de ne pas toucher à une boîte de chocolats qu’on lui offre. Pour que leurs cerveaux intègrent l’idée de pouvoir s’en passer, j’interdis donc le smartphone par périodes, le temps d’une soirée ou même parfois d’une semaine de vacances. Et je constate que ça les libère d’une pression, d’une angoisse. » Selon diverses études, une diète digitale permettrait notamment d’améliorer la santé mentale en chassant les idées noires et en réduisant le sentiment de solitude.
Le meilleur moyen de se convaincre de la nécessité d'un sevrage des réseaux sociaux, au moins momentané, c'est peut-être de regarder le récent documentaire "Derrière nos écrans de fumée", de Jeff Orlowski, qui révèle les stratégies savamment établies par les géants du Web pour nous rendre accros à leurs plateformes. Le film pourrait même, selon l’agence internationale Associated Press, « vous donner immédiatement envie de jeter votre smartphone à la poubelle, puis de jeter la poubelle à travers la fenêtre d'un dirigeant de Facebook ».