On ne choisit pas sa famille, et encore moins sa famille recomposée. Avec l’explosion des divorces et des séparations, les clans se reforment, les fratries se mélangent, les beaux-parents et beaux-enfants se découvrent. Et doivent s’apprivoiser, malgré parfois des ressentiments et des divergences. Aujourd’hui en France, selon une enquête de l’Insee publiée en 2020, environ 9 % des familles avec au moins un enfant mineur, soit 728 000 au total, sont dites recomposées, c’est-à-dire que le couple vit avec un ou plusieurs enfants dont seul l’un des conjoints est le parent. Si le modèle de la famille reconstituée est, de fait, de plus en plus rencontré, il n’en reste pas moins compliqué à mettre en œuvre. Controverses autour de l’autorité, différences d’éducation, jalousies à arbitrer, nouvelles règles à instaurer, difficultés de trouver sa place, rivalités de territoires... Autant d’embûches qui font de la famille revisitée une épreuve à surmonter, tant pour le couple que les enfants. Et s’il y avait un mode d’emploi pour désamorcer les conflits au sein de ces tribus en recomposition ?
L’essentiel pour le couple, en matière d’autorité, c’est d’avoir une « cohérence éducative et ne pas se contredire devant l’enfant », résume la psychanalyste Catherine Audibert, auteure du livre Amour et crises dans la famille recomposée (éd. Payot, 2019). « Il faut acter que le beau-parent n’a certes pas le même rôle que les parents biologiques, qu’il ne les remplacera jamais, mais qu’il reste légitime pour mettre le holà sur certains sujets. » D’autant plus qu’établir les mêmes règles pour tout le monde, cela permet « d’éviter les éducations à deux ou trois vitesses, les contradictions entre parent et beau-parent, et donc les rivalités entre quasi-frères et sœurs », selon la psy.
Un savoir-vivre qui implique évidemment une bonne dose de respect. « Pour les ados, un beau-parent est une formidable occasion de s’opposer aux parents, une belle opportunité de vengeance par rapport à la séparation qu’on leur a fait subir. » Au début, l’hostilité est donc de mise, c’est naturel, et le beau-parent ne doit surtout pas forcer la relation. Mais le parent biologique doit rappeler à son enfant que « s’il n’y a aucune obligation d’amour pour le beau-parent (c’est un oxymore !), il y a néanmoins une obligation de respect », selon la psy. Dire bonjour et au revoir, ne pas l’ignorer, écouter ce qu’il a à dire...
Pour le beau-parent, « la difficulté est de trouver sa place, dans le couple et parmi les enfants du premier lit, dans la mesure où ceux-ci sont souvent pris dans un conflit de loyauté vis-à-vis du parent biologique absent du foyer : ils ne s’autorisent pas à construire des liens avec le beau-parent si c’est mal vécu par l’autre parent biologique », rappelle Catherine Audibert. L’erreur à ne surtout pas faire serait de vouloir remplacer le parent, de s’autoriser des gestes et des mots qui sont la prérogative des géniteurs. « Cantonnez-vous au rôle de beau-parent ! Votre bel-enfant vous respectera d’autant plus si vous n’empiétez pas sur le territoire de ses père et mère. »
Organiser ces « conseils familiaux », selon la psy, c’est aussi « assumer la part d’ambivalence de la famille recomposée, c’est acter le fait que "notre famille n’est pas une famille classique, tout y est exacerbé en termes d’émotions et de réactions, les compromis sont donc encore plus difficiles à trouver, parlons-en franchement" ». Tout mettre sur la table, par exemple une fois par mois ou pendant une période de détente comme les vacances, permettrait d’extérioriser les griefs, et ainsi d’éviter les non-dits, les culpabilités, les rancœurs, qui mènent forcément à l’isolement.
Catherine Audibert va même plus loin : « Au bout d’un certain temps de cohabitation, il peut être intéressant de s’octroyer des moments seuls entre bel-enfant et beau-parent, en fonction des goûts en commun (expo, spectacle, restaurant...). C’est là que la complicité s’installe et que la relation peut s’installer dans la durée. » Sachez que les premiers mois, voire années, l’enfant vous dira sûrement non, mais il faut persévérer et ne pas vous braquer, il finira par dire oui. L’affinité ne se crée pas en un jour, l’amour encore moins !
Laisser du temps au temps
Au début, c’est l’idylle. Après une rupture, rarement facile à vivre, on rencontre quelqu’un qui nous redonne le sourire et foi dans le sexe opposé, on est sur un petit nuage d’enthousiasme, parfaitement autocentré sur soi-même et sa nouvelle moitié, on multiplie les projets d’avenir. Dont celui d’emménager ensemble, et vite, l’amour n’a pas de temps à perdre ! Sauf que non : « Il ne faut surtout pas se précipiter, avertit la psychologue clinicienne Béatrice Copper-Royer, spécialiste de l’adolescence et auteure du livre Et la famille recomposée ? Pas facile mais possible ! (éd. Solar, 2019). L’introduction trop rapide d’un nouveau conjoint risque de donner aux enfants l’impression qu’il est la cause de votre séparation avec leur père (ou mère), ou que ce dernier était bel et bien le problème dans votre couple. Un quiproquo qui peut faire naître de l’animosité, que ce soit à l’égard du beau-parent ou du parent délaissé. » Avant de vous lancer dans les cartons, prenez donc soin de parler à vos enfants de votre nouvelle âme sœur, par petites touches, ici et là, en insistant sur tout le bien qu’elle vous fait. De quoi les habituer progressivement à un éventuel emménagement... Qui sait, ils finiront peut-être par demander eux-mêmes à la rencontrer !S’accorder sur l’exercice de l’autorité
Une famille qui se recompose, ce sont deux modèles parentaux d’éducation, de valeurs, d’habitudes qui se télescopent. Les règles appliquées aux enfants peuvent donc se contredire, que ce soient l’heure du coucher (20h obligatoire pour l’un, 22h pour l’autre), l’alimentation (prohibition du sucre contre bonbons et sodas), ou encore le temps d’écran (1h maximum par jour ou illimité ?). Un problème, quand on sait que les différences de traitement sont souvent vécues comme des injustices par les enfants... Selon Béatrice Copper-Royer, « il est donc primordial, pour le nouveau couple, de s’accorder au préalable sur l’exercice de l’autorité : qui décide de quoi ? Pour qui ? Quelles sanctions ? Lignes rouges à ne pas franchir ? Le compromis est indispensable. » Pas tant sur les sujets qui concernent strictement le parent biologique et son enfant (comme le choix du collège ou ses fréquentations), mais plutôt sur les règles de vie commune qui doivent s’appliquer sous le même toit : prendre les repas ensemble, ranger sa chambre, la partager équitablement avec son quasi-frère, ne pas faire de bruit, ne pas vider le frigo...L’essentiel pour le couple, en matière d’autorité, c’est d’avoir une « cohérence éducative et ne pas se contredire devant l’enfant », résume la psychanalyste Catherine Audibert, auteure du livre Amour et crises dans la famille recomposée (éd. Payot, 2019). « Il faut acter que le beau-parent n’a certes pas le même rôle que les parents biologiques, qu’il ne les remplacera jamais, mais qu’il reste légitime pour mettre le holà sur certains sujets. » D’autant plus qu’établir les mêmes règles pour tout le monde, cela permet « d’éviter les éducations à deux ou trois vitesses, les contradictions entre parent et beau-parent, et donc les rivalités entre quasi-frères et sœurs », selon la psy.
Obliger à respecter, pas à aimer
Une fois fixées ces règles communes, parlez-en à vos enfants respectifs, avec un discours de type : "Cet homme est mon nouvel amoureux. Il va vivre avec nous. En tant qu’adulte, il a le droit de te dire quoi faire et ne pas faire. Ensemble, nous avons établi de nouvelles règles, donc quoi qu’il arrive, je serai toujours d’accord avec lui." « Ce n’est pas de l’abus de pouvoir du beau-parent, ni une question d’éducation, estime Béatrice Copper-Royer. C’est juste une histoire de savoir-vivre en communauté. »Un savoir-vivre qui implique évidemment une bonne dose de respect. « Pour les ados, un beau-parent est une formidable occasion de s’opposer aux parents, une belle opportunité de vengeance par rapport à la séparation qu’on leur a fait subir. » Au début, l’hostilité est donc de mise, c’est naturel, et le beau-parent ne doit surtout pas forcer la relation. Mais le parent biologique doit rappeler à son enfant que « s’il n’y a aucune obligation d’amour pour le beau-parent (c’est un oxymore !), il y a néanmoins une obligation de respect », selon la psy. Dire bonjour et au revoir, ne pas l’ignorer, écouter ce qu’il a à dire...
Pour le beau-parent, « la difficulté est de trouver sa place, dans le couple et parmi les enfants du premier lit, dans la mesure où ceux-ci sont souvent pris dans un conflit de loyauté vis-à-vis du parent biologique absent du foyer : ils ne s’autorisent pas à construire des liens avec le beau-parent si c’est mal vécu par l’autre parent biologique », rappelle Catherine Audibert. L’erreur à ne surtout pas faire serait de vouloir remplacer le parent, de s’autoriser des gestes et des mots qui sont la prérogative des géniteurs. « Cantonnez-vous au rôle de beau-parent ! Votre bel-enfant vous respectera d’autant plus si vous n’empiétez pas sur le territoire de ses père et mère. »
Organiser des « états généraux » familiaux
« Du dialogue et de la concertation, et surtout pas d’improvisation », c’est ça, la clé d’une famille recomposée fonctionnelle, selon Béatrice Copper-Royer, qui préconise de procéder de temps en temps à des « états généraux familiaux » pour faire des bilans de la situation et peut-être établir de nouvelles règles, quitte à les écrire noir sur blanc. Même recommandation de la psychanalyste Catherine Audibert, qui parle de « conseils de famille » où l’on se réunit, se donne la parole, se laisse la possibilité d’exprimer nos émotions, nos gênes, nos incompréhensions. « Ce sont des espaces ouverts de liberté, qui permettent de redonner confiance mais aussi de se connaître davantage. »Organiser ces « conseils familiaux », selon la psy, c’est aussi « assumer la part d’ambivalence de la famille recomposée, c’est acter le fait que "notre famille n’est pas une famille classique, tout y est exacerbé en termes d’émotions et de réactions, les compromis sont donc encore plus difficiles à trouver, parlons-en franchement" ». Tout mettre sur la table, par exemple une fois par mois ou pendant une période de détente comme les vacances, permettrait d’extérioriser les griefs, et ainsi d’éviter les non-dits, les culpabilités, les rancœurs, qui mènent forcément à l’isolement.
Faire des activités seul avec son (bel-)enfant
La famille recomposée idéale, qui fait toujours tout ensemble et avec le sourire s’il vous plaît, n’existe que dans les films. Dans la vraie vie, il est crucial que le parent biologique se réserve des moments en solo avec son ou ses enfants : cinéma, balade, séance de sport... Tout est bon à prendre, selon Béatrice Copper-Royer, « pour sortir du cadre de la famille recomposée et retrouver le cadre d’avant, celui du premier cercle ». Cela permet « de marquer la distinction avec les autres enfants et de réhabiliter l’intimité historique qu’il y a, de fait, entre l’enfant et son géniteur ».Catherine Audibert va même plus loin : « Au bout d’un certain temps de cohabitation, il peut être intéressant de s’octroyer des moments seuls entre bel-enfant et beau-parent, en fonction des goûts en commun (expo, spectacle, restaurant...). C’est là que la complicité s’installe et que la relation peut s’installer dans la durée. » Sachez que les premiers mois, voire années, l’enfant vous dira sûrement non, mais il faut persévérer et ne pas vous braquer, il finira par dire oui. L’affinité ne se crée pas en un jour, l’amour encore moins !