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La Slow life : il est grand temps de prendre son temps !

Ralentir le rythme pour mieux s'épanouir au quotidien, c'est le concept de la Slow life, applicable à tous les domaines de la société ou presque. Pourquoi tant de succès ? Comment l'intégrer dans nos vies trépidantes ? Quels en sont les bénéfices ? Avec l'aide d'une spécialiste, on vous explique ce qui se cache derrière cette contre-culture. A lire... sans se presser.

La Slow life : il est grand temps de prendre son temps ! anyaberkut / iStock

  • Publié le 15.03.2022 à 14h00
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« Rien ne sert de courir ; il faut partir à point », annonce Le Lièvre et la Tortue, la célèbre fable de Jean de la Fontaine, publiée en 1668. Quelques siècles plus tard, dans un monde où l’urgence prime et où la lenteur est un vilain défaut, nous sommes plus que jamais des "lièvres" : partagés entre le travail et les amis, les enfants et le couple, les obligations quotidiennes et le temps pour soi, sans parler des réseaux sociaux chronophages, nous courons derrière le temps, au risque de toujours plus de stress et de burn-out. D’après une récente étude de l’Observatoire Société et Consommation, huit Français sur dix estiment que le rythme de notre société est trop rapide et qu'ils aimeraient ralentir pour gagner en qualité de vie, en sens, en créativité, en relationnel... Freiner la cadence pour mieux s’épanouir, certains ont décidé de le faire littéralement, en vivant ce qu’on appelle une Slow life (« ralentir » et « vie » en anglais).

Un mot d’ordre : ra-len-tir

Le concept remonte à 1986, lorsque le journaliste et critique culinaire italien Carlo Petrini a protesté contre l’ouverture d’une célèbre enseigne de fast-food sur une place de Rome, puis inventé dans la foulée la notion de « slow-food », privilégiant cuisine traditionnelle et agriculture locale – « bon, propre et juste », selon sa devise. En découlera une série de « slowconcepts » déclinant l’idée de « prendre le temps de faire les choses », comme le Slow business, la Slow conso, le Slow sex, la Slow city (comme Segonzac en Charente) ou encore, donc, la fameuse Slow life.

« La Slow life n’est pas une tendance du moment, c’est un véritable art de vie, assure la sophrologue Cindy Chapelle, auteure de nombreux ouvrages sur le sujet, dont Slow life : ma révolution intérieure – 6 mois pour changer de rythme (éd. First, 2020). Il ne s’agit pas d’aller à la vitesse de l’escargot ou de flâner dans un hamac, mais de ralentir pour prendre soin de soi, d’autrui et de son environnement. C’est cesser de courir après le temps, dans le but de se le réapproprier. »

Vivre sa vie pour soi, pas pour les autres

Ralentir ne signifie pas la même chose pour tout le monde. « C’est à définir au cas-par-cas, car cela dépend de votre milieu (urbain ou rural, par exemple), de votre mode de vie et de ce à quoi on aspire, explique la spécialiste. La première chose à faire, c’est donc de prendre du recul, d’écouter ses besoins et de définir ses priorités : quelle vie ai-je envie d’avoir ? qu’est-ce qui compte vraiment ? » Avec l’objectif, en filigrane, d’être « plus acteur de sa vie que spectateur ». Une manière de « vivre en conscience » qui permettrait de conjurer le risque de « ne pas avoir le courage de vivre une vraie vie pour moi-même, pas celle que d’autres attendent de moi », premier des 5 regrets des personnes en fin de vie (éd. Trédaniel, 2013), selon le livre de Bronnie Ware, infirmière australienne en soins palliatifs.

Vous avez fait le point sur vos envies ? Il faut ensuite y aller pas à pas, car la Slow life ne se fait pas en un jour. « Il ne s’agit pas d’une révolution, le changement exige des mois voire des années, rappelle Cindy Chapelle. Pour commencer, tentez d’agir sur votre corps, en faisant des exercices de respiration (1min par jour, lors d’une pause par exemple), en adaptant votre marche, votre façon de monter les escaliers, votre débit de parole, bref votre quotidien à un rythme moins soutenu. Quitter à se lever un peu plus tôt ! »

Car, pardon, mais lever le pied nécessite un minimum de discipline et d’arbitrage. « Ce qui dépend des autres, comme les horaires de travail, est indépendant de notre volonté, mais on peut agir sur ce qui dépend de soi. Le temps libre est, de fait, une question de choix, de libre-arbitre », assure la sophrologue. Dans une salle d’attente, par exemple, on peut choisir de s’écouter respirer ou d’entamer une discussion avec son voisin plutôt que de « passer » le temps sur les réseaux sociaux. « Il ne s’agit pas de s’auto-flageller mais de prioriser son temps libre », précise la pro du Slow. Ce qui exige parfois de « ne pas choisir la facilité ».

La qualité plutôt que la quantité

La Slow life, concrètement, c’est adopter des nouvelles habitudes au quotidien. Bonne nouvelle, il suffirait de 66 jours pour y parvenir, selon une étude de 2009.

S’inscrire dans l’instant présent. Carpe diem, disent-ils ! Plus facile à dire qu’à faire, mais c’est le mantra de la Slow life. En pratique, il convient de favoriser les déplacements plus lents (vélo, marche à pied...), de s’initier aux pratiques méditatives, « de s’aménager des moments solitaires où l’esprit peut vagabonder, quitte à ne strictement rien faire », selon Cindy Chapelle. La Slow attitude peut même empiéter sur le travail, en s’offrant 20 minutes de sieste (le midi, pas en réunion !), en lâchant son téléphone et les réseaux sociaux, en exigeant une journée de télétravail supplémentaire, ou encore en adoptant la méthode Pomodoro pour mieux gérer son agenda. « A terme, vous pourrez même avoir envie de changer de boulot ! », présage la spécialiste.

Faire une seule chose à la fois. A force de s’éparpiller dans les tâches, on finit souvent par toutes les bâcler. « Contre le diktat de rentabilité propre à nos sociétés, privilégiez la qualité plutôt que la quantité en ne faisant qu’une seule chose à la fois, mais avec toute votre attention. » Même s’il s’agit de faire la vaisselle ou d’étendre son linge : « Mettre du soin dans les tâches ménagères permet de retrouver de la présence dans les activités du quotidien. C’est comme une méditation de pleine conscience mais adaptée à l’action », résume l’experte.

Profiter de son entourage. C’est aussi dans les relations avec ses proches qu’il faut (re)prendre son temps, au travers des discussions ou de l’intimité. « L’enjeu est d’accorder plus d’attention à son cercle : écouter un ami sans pianoter sur son téléphone (on le consulte 221 fois par jour, selon une étude, ndlr), consacrer du temps à son conjoint avant de se coucher, lire une histoire à son enfant sans regarder sa montre... »

Consommer moins mais mieux. Ralentir, c’est aussi prendre le temps de faire son marché, de cuisiner ses propres recettes (et arrêter le fast-food), d’acheter des vêtements et produits en seconde main, de ne pas acheter ce dont on n’a pas foncièrement besoin dans l’immédiat. En corollaire, la Slow life, c’est donc aussi s’approprier la philosophie du « Do it yourself », en faisant vous-même ce qui peut être fait par vos mains (bricolage, cosmétiques...). « Cela ne vous fera pas forcément gagner du temps dans l’immédiat, mais votre temps vous semblera mieux employé », explique Cindy Chapelle.

Se reconnecter à la nature. « Les populations des milieux urbains, adeptes de la "Fast life", souffrent d’un syndrome de ‘’manque de nature’’, qui peut s’avérer néfaste, assure la Slow sophrologue. Il faut se reconnecter à la nature par des choses réalistes : des balades en forêt ou dans les parcs en ville, écouter les oiseaux, regarder les nuages... » L’idée est de se créer des « parenthèses à ciel ouvert », des « bulles de lenteur » destinées à compenser le fait qu’on est « enfermé dans un bureau toute la journée ».

Des bénéfices pour soi... et la planète ?

Avec la Slow life, l’expression « Less is more » (Moins, c’est plus) prend tout son sens : en freinant la cadence, on en retire toutes sortes de bénéfices sur le long terme. Evidemment pour le portefeuille (car on se concentre sur l’essentiel et non plus le matériel ou le superflu), mais surtout pour la santé : diminution du stress, hausse de la concentration, meilleure qualité de sommeil, plus grande efficacité au travail, développement de la créativité... Ce qui conduirait, selon les partisans, à un véritable épanouissement. Pas de quoi culpabiliser de moins en faire, donc. « Par l’expérience du Slow, on s’aperçoit que c’est une véritable libération : tant de temps est perdu à valoriser des choses qui n’ont pas de sens pour soi », estime la spécialiste.

Au-delà des bénéfices santé, la Slow life adoptée par l’humanité tout entière pourrait même être une solution au cataclysme environnemental qui nous guette, selon les plus optimistes. Retour à l’essentiel, qualité plutôt que quantité, consommation plus responsable, bienveillance envers autrui, reconnexion à la nature, décroissance... « L’éveil de conscience propre à la Slow life est évidemment lié aux sensibilités écologiques, selon Cindy Chapelle. En prenant conscience de son environnement, on se relie au tout. L’environnement, qui n’est qu’un mot dans la bouche des gens, devient enfin tangible. » Vous l’aurez compris : pour sauver la planète et les humains, il serait grand temps de devenir un peu plus « slow ». Ne serait-ce que pour éviter au Lièvre et à la Tortue d’être classés un jour parmi les espèces disparues.
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