Bien dormir, ça se travaille. A l’heure où, selon une étude de Santé publique France de 2019, un quart des Français est en dette de sommeil et que 13,1 % sont des insomniaques chroniques, la question semble plus que jamais d'actualité : ne dormirait-on pas assez ? Plus que la quantité, c’est d’abord une question de qualité de sommeil : il faut changer ses habitudes de vie pour retrouver de bonnes habitudes de sommeil, et ainsi passer des nuits réparatrices. Mais comment faire ?
Contrairement à ce qui est vécu par certains, le sommeil n’est pas une ligne droite de l’endormissement jusqu’au réveil. Une « bonne nuit », selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, c’est entre 4 et 6 cycles successifs de 90 minutes en moyenne. Chaque cycle est lui-même constitué de trois phases distinctes: le sommeil lent léger, le sommeil lent profond et le sommeil paradoxal. Dans l’ordre, l’endormissement et le sommeil lent léger (50 % du temps) conduisent au sommeil lent profond (20-25 %), qui est le moment le plus récupérateur de la nuit. Puis, après une seconde phase de sommeil lent léger, c’est le sommeil paradoxal, celui des rêves, qui prend le relais (20-25%) : le corps est inerte, l’activité cérébrale intense, les mouvements oculaires rapides.
Des cycles complets ou rien
Voilà pour la théorie, mais alors comment bien gérer ces horloges internes ? Un sommeil ne sera de bonne qualité que si les cycles se suivent de manière harmonieuse. Plus ils sont bouleversés, plus les risques de troubles du sommeil sont élevés – d’où l’importance de trouver son bon tempo. Par exemple, si votre réveil-matin a le malheur d’interrompre votre nuit en plein milieu d’un cycle, alors vous vous réveillerez épuisé. Quitte à parfois moins dormir, mieux vaut donc privilégier un temps de sommeil correspondant à des cycles complets. En moyenne, un adulte devrait ainsi être dans les bras de Morphée pendant 7h30, soit cinq cycles de 1h30. Avec une moyenne de 6h45 par nuit, selon Santé publique France, les Français sont aujourd’hui un peu loin du compte.
« La fatigue étant le meilleur indicateur, il faut surtout écouter son corps : avoir les paupières lourdes le soir signifie qu’il faut aller au lit, et se réveiller en forme après 6 ou 7h de sommeil signifie qu’on a suffisamment dormi », assure le psychothérapeute Benjamin Lubszynski, auteur de Bien dormir, ça s’apprend ! (éd. du Rocher). Tout le monde n’a donc pas le même sommeil : qu’il soit jeune ou moins jeune, petit ou gros dormeur, chacun a son propre rythme « naturel », avec ses horaires et ses habitudes. Un petit dormeur se sentira suffisamment reposé après 6h au lit tandis que le gros dormeur aura besoin de 10 heures… Chacun peut d’ailleurs calculer son besoin en sommeil en notant ses heures de coucher et de lever (sans réveil-matin !) durant une semaine de vacances, afin d’obtenir la durée moyenne nécessaire pour être en forme. Des applications qui ont pour objectif de vous aider à réguler votre sommeil peuvent même vous mâcher le travail.
Lumière naturelle contre lumière bleue ?
Ecouter son corps, certes, mais « la vie moderne fait qu’on a tendance à ne pas trop l’écouter », précise Benjamin Lubszynski. « Entre le binge-watching de séries, les heures passées sur les réseaux sociaux et les temps de trajets de plus en plus longs entrre domicile et travail, beaucoup se retrouvent en complet décalage avec leur rythme de sommeil. » Selon le spécialiste, il n’existerait même pas, en soi, de « couche/lève-tard » ni de « couche/lève-tôt ». « C’est une sorte de prophétie auto-réalisatrice : beaucoup se couchent tard non pas parce qu’ils ont sommeil tard, mais parce qu’ils peinent à s’endormir avant, ils attendent de tomber de sommeil. » Et comme le corps est réglé sur des cycles de 24h, on s’habitue à ce rythme infernal.
Pour se recaler sur un meilleur tempo, mieux vaut, en plus d’une bonne hygiène de vie (alimentation saine, sport…), avoir un peu d’auto-discipline et suivre une sorte de « journée idéale », explique le coach en sommeil. « Le matin, s’exposer au soleil, car sa lumière nous fait sécréter de la mélatonine, hormone qui régule les rythmes biologiques et donc favorise l’endormissement ; si ce n’est pas possible, s’exposer à une lampe de luminothérapie, pour reproduire les bienfaits de la lumière naturelle. » Les plus pressés pourront également demander des comprimés de mélatonine à leur pharmacien. « Et le soir, éviter tous les impairs habituels qui retardent le sommeil : une activité physique tard le soir, des excitants comme le caféine et la théine, une chambre surchauffée, ou encore l’exposition à la lumière bleue des écrans. »
Si le programme n’est pas des plus alléchants, ses bienfaits sur la santé sont sans appel. Non seulement le système immunitaire est boosté, la forme physique meilleure, la mémorisation accrue et le stress en berne, mais tenir un bon rythme de sommeil est aussi, à long terme, un gage d’épanouissement. « Se coucher et se lever tard, cela reste aujourd’hui synonyme de liberté et de bonheur dans notre société, admet Benjamin Lubszynski. Mais c’est justement à cause des grasses matinées et des grosses siestes le week-end (un sommeil léger, donc) qu’on dort mal le reste de la semaine ! Si on se couchait et se levait tous les jours à la même heure, on serait beaucoup plus calme, plus énergique, plus concentrés et finalement plus heureux ! »