Cette année plus que les autres, l'entrée dans l'automne se fait difficilement, crise sanitaire oblige. Entre la fin des vacances d'été – qui marquaient le retour des libertés entravées par la crise sanitaire – et le raccourcissement des journées, le contexte est peu propice à l'énergie… Et, de fait, à la motivation au travail. Pour la retrouver, il s'agit avant tout de soigner son sommeil. "Quand la nuit se passe mal, c'est également le cas du jour qui suit, explique Claire Leconte, chronobiologiste. On tombe alors dans un cercle vicieux : comme on n'aura pas eu une bonne journée, on aura des problèmes pour dormir le soir, et ainsi de suite".
À l'inverse, respecter son sommeil donne lieu à des journées de qualité, favorisant la motivation. Pour ce faire, il convient notamment d'être régulier en se tenant à des horaires de coucher fixes. "Autrement, c'est mauvais pour la synchronisation de nos horloges biologiques", avertit l'experte. Autre geste à adopter pour soigner ses rythmes biologiques, et, in fine, son sommeil : s'exposer à la lumière naturelle chaque matin, en marchant une quinzaine de minutes, par exemple. "C'est très important, souligne-t-elle. La lumière naturelle nous permet de nous réveiller, d'être dans de bonnes conditions lorsque l'on arrive au travail". Elle préconise également de profiter des derniers beaux jours pour déjeuner à l'extérieur ou faire une promenade sur le temps du midi.
Faire des pauses régulières
"Si on est toujours dans l'échange et dans l'activité, on s'épuise, reprend Claire Leconte. Il faut aussi essayer de s'isoler dix à quinze minutes pour démarrer l'après-midi dans de bonnes conditions". Un moment qui pourrait se traduire par une séance de relaxation ou une sieste. "C'est excellent et ça joue sur l'énergie", assure Benjamin Lubszynski, psychothérapeute et auteur du livre Bien dormir, ça s'apprend !. En revanche, faire du sport sur le temps du midi est loin d'être idéal. "Comme ce moment correspond au creux méridien, on subit une baisse physiologique globale qui diminue notre vigilance, notre température et notre niveau de cortisol, expose Claire Leconte, en précisant que le yoga peut être une bonne alternative. Le tout, c'est d'éviter de faire une activité qui réclame beaucoup d'énergie car on risque d'être épuisé après".
De manière générale, il est crucial de se ménager des pauses au travail – idéalement, une toutes les 1h30. "Elles rendent plus productif et baissent le stress, entre autres", commente Benjamin Lubszynski. Autre recommandation : goûter en fin d'après-midi, afin de se ressourcer et d'alléger le repas du soir. "Ça permet de ne pas avoir une digestion trop longue après le dîner et ça améliore la qualité du sommeil", indique Claire Leconte. Dans la même optique, il convient de limiter ses sources de protéines le soir et de leur préférer des sucres lents. "Les produits protéinés permettent à la mélatonine – l'hormone dite "du sommeil", ndlr. – de se recharger : plus on en consomme le matin et le midi, plus elle pourra être correctement synthétisée au moment de se coucher", précise la chronobiologiste.
Échanger sur sa journée
Par ailleurs, elle préconise de pratiquer une activité sportive, à condition qu'elle prenne fin 1h30 à 2 heures avant de se coucher. "Il faut aussi essayer de se donner des repères, de trouver le bon moment de son endormissement", souligne-t-elle. Cela passe par écouter son organisme et son corps, pour identifier l'instant où sa température baisse, où l'on ressent un coup de froid. Idéalement, c'est à cet instant qu'il faudrait aller se coucher, et sans écran.
"En raison de la période que nous venons de vivre, il est aussi particulièrement important de pouvoir échanger sur sa journée avec son conjoint, sa famille ou ses amis ; ça permet de se décharger", assure Claire Leconte. De la même manière, elle recommande d'évacuer les problèmes que l'on a rencontrés afin de s'endormir plus sereinement. "Puis, pour ne pas cumuler les points noirs au travail, on peut aussi essayer d'en parler à ses collègues : comme ils sont là, ils peuvent minimiser certaines choses qui prennent des grandes proportions pour certains", poursuit-elle.
Surtout, gagner en motivation au travail ne passe pas que par soigner ses rythmes biologiques. Il faudrait même, s'inspirer de… Ses vacances, souvent synonymes de projets. Effectivement, avec davantage de temps, on a tendance à imaginer ce que sa vie serait si l'on formulait une certaine envie ou un besoin, si l'on initiait telle ou telle démarche professionnelle. "Cela revient à se demander ce que l'on pourrait faire pour rendre son travail plus intéressant ou plus agréable. Par exemple, pourquoi attendre son bilan annuel pour demander une promotion ?", illustre Benjamin Lubszynski.
Privilégier le "deep work"
Aussi, la motivation au travail tient… À son travail, tout simplement. En plus du désormais très "connu" burn-out – ou syndrome d'épuisement professionnel – et du bore-out, une forme de burn-out causé par l'ennui, nos sociétés sont confrontées au brown-out, induit par une perte de sens. "Trouver du sens dans ce que l'on fait est une donnée énorme de la motivation", assure le psychologue. Pour lui, le "deep work" – ou travail en profondeur – est une solution pour en retrouver une partie. Le principe : acquérir un état de concentration absolue en menant une tâche jusqu'à son terme. "On n'en fait qu'une et on la fait bien, ce qui nous permet aussi de la laisser nous absorber : c'est beaucoup plus satisfaisant, on a la sensation d'avancer, développe-t-il. La productivité augmente, de même que le plaisir à travailler".
La sursollicitation technologique étant l'ennemie du deep work, il faudrait se contraindre à des temps de travail pendant lesquels on mettrait son téléphone en mode avion, afin d'éviter de se laisser distraire par les notifications. "Si possible dans des horaires prédéfinis et par blocs d'une heure et demie, pour respecter les pauses et avoir une productivité plus intéressante", précise le psychothérapeute. Il recommande ensuite de s'accorder une heure ou deux pour ne répondre qu'aux mails et messages, par exemple de 10h30 à 11h30 et de 15 heures à 16 heures. "Finalement, passer des coups de fil devient aussi du deep work", commente Benjamin Lubszynski.
Autre conseil pour retrouver de l'énergie au travail : établir des horaires et les respecter. Par exemple, si on se dit que l'on termine sa journée à 19 heures, on doit s'y tenir, même si on estime ne pas avoir fini ce que l'on était en train de faire. "Si on sait qu'on a des horaires, le rapport au travail change, assure le psychothérapeute. Au lieu de se culpabiliser, on se dit que l'on a bien travaillé aujourd'hui et que l'on travaillera bien le lendemain". En se défaisant ainsi de cette culpabilité, également source de stress, on gagne en motivation, tout en augmentant sa productivité.
Cultiver son équilibre personnel
Plus largement, la motivation au travail est déterminée par son humeur, ses choix de vie, la qualité de sa vie personnelle, amicale, sentimentale, familiale… "En réfléchissant à tous ces facteurs extérieurs, on passe d'une logique de productivité pure à une logique d'équilibre, qui est en réalité très bonne pour la productivité, explique Benjamin Lubszynski. Ainsi, une personne avec une vie agréable sera bien plus motivée dans son travail, même s'il n'est pas hyper satisfaisant pour elle". Bien sûr, être épanoui en dehors dans la sphère privée ne résoudra pas tous les problèmes inhérents au travail, mais améliorera grandement la situation. "Si on ne prend pas en compte l'équilibre hors travail, c'est quasiment impossible d'être motivé, assure le psychothérapeute. Puis, on augmente la capacité de burn-out à une vitesse assez impressionnante".
Retrouver de la motivation au travail passe donc aussi par prendre du recul… Vis-à-vis de ce dernier. "On a tendance à partir d'un principe autoréalisateur : on se dit que les vacances constituent une parenthèse enchantée, un temps glorieux, en opposition au travail, qui est une période pénible, de labeur, explique Benjamin Lubszynski. En France, surtout, on considère que c'est une charge de souffrance, de fatigue et de stress inévitable. De fait, on l'accepte et on garde une manière de travailler qui ne nous permet pas d'être bien". C'est pour cela qu'il demande fréquemment à ses patients ce qui les rendaient heureux, pendant leurs congés. Cuisiner, jouer à des jeux de société, partager des moments avec ses proches, faire l'amour… Autant d'activités qui aident à maintenir un équilibre.
"Pour avoir de l'énergie au travail, il faut la cultiver à l'extérieur", martèle le psychothérapeute. Prenons la lecture, considérée comme très ressourçante par ses adeptes. "De nombreuses personnes ne le font que sur la plage, alors que ça marche aussi dans le métro", illustre l'expert. En somme, rien n'oblige à se cantonner au rythme métro-boulot-dodo : on pourrait transposer des éléments des vacances dans son quotidien. "On ne se l'autorise pas, comme si c'était réservé à un certain moment de la vie, avec le calcul de se dire que l'on n'a pas le temps", reprend-il. Cependant, il constate que, lorsque l'on est obligé de faire quelque chose, on parvient à l'introduire dans sa vie. "On se débrouille, et le reste s'organise", poursuit-il. L'idée : "s'imposer" régulièrement des activités qui nous font du bien, comme instaurer une soirée lecture le jeudi, par exemple. "Même s'il est important dans la vie, ça permet de réaliser qu'il n'y a pas que le travail", conclut Claire Leconte.