Miranda Kerr et Hailey Bieber. Leurs noms ne vous disent rien ? La première est une ancienne mannequin Victoria Secret, la seconde est aussi top model et accessoirement épouse de Justin Bieber. L’une, comme l’autre, attribue leur physique, pour le moins enviable, à un même secret : le régime par groupe sanguin.
Ce dernier ne vous dit rien ? Pourtant, le grand chouchou des stars et des mannequins, fait régulièrement les gros titres de la presse féminine. Son principe est plutôt simple, du moins en théorie.
Des recommandations alimentaires très précises
A chaque groupe sanguin -O, A, B, AB- est associé un régime alimentaire précis. Suivre le nôtre à la lettre entraînerait, comme dans chaque régime, de nombreux bienfaits. Bienfaits que son créateur, le naturopathe américain Peter D’Adamo définit ainsi : “Connaître votre groupe sanguin est primordial pour comprendre les réactions de votre corps à la nourriture, sa susceptibilité aux maladies, sa réaction naturelle au stress…”.
Dans la pratique, globalement, ça ressemble à quoi ? C’est là que ça se complique ! D’Adamo conseille aux personnes du groupe O de se nourrir d’une alimentation riche en protéines à base de viandes maigres, de poissons, de légumineuses et leur déconseille de manger des produits laitiers, des haricots ainsi que du blé et du maïs ; les personnes du groupe A ont, selon lui, intérêt à privilégier les fruits, les légumes, les légumineuses ainsi que les céréales et à éviter la viande (sauf de la dinde) et les produits laitiers ; pour ce qui est du groupe B une alimentation omnivore équilibrée est encouragée et le poulet, le maïs, les lentilles, le blé ainsi que les graines de sésames sont à proscrire ; et enfin les individus du groupe AB devraient avoir une alimentation mixte en préférant l’agneau au poulet et en évitant le maïs et les haricots rouges.
A ces recommandations alimentaires, s’ajoutent également des conseils en ce qui concerne l’activité physique. Si l’on appartient au groupe sanguin A, il serait préférable de suivre des disciplines douces, le yoga par exemple ; si l’on fait parti du groupe B alors les exercices modérés comme le tennis, le vélo ou la randonnée sont recommandés ; si l’on est de type AB il serait de bon augure de mélanger les activités sportives “apaisées” et modérées ; et enfin, seuls les petits chanceux du groupe O peuvent se lâcher et pratiquer des activités sportives intenses telles que la course ou l’aérobic (qui fait encore de l’aérobic en 2021, c’est LA question…).
Un régime alimentaire sans aucune base scientifique
On vous voit venir, vous trouvez tout ceci un peu farfelu, n’est-ce pas ? Pas d'inquiétude : vous n’êtes pas les seuls ! Et d’ailleurs, si ce régime a longtemps attisé la curiosité, il a également fait l’objet de plusieurs études scientifiques récentes, lesquelles tout en lui trouvant un certain charme sont tout de même tombées d’accord sur un point essentiel : il ne fonctionne absolument pas !
Il n’y a, effectivement, aucune corrélation entre le groupe sanguin, d’une part, et un régime alimentaire précis, de l’autre. Un constat avec lequel le journaliste scientifique Julien Venesson et la nutritionniste Béatrice de Reynal sont parfaitement d’accord.
En outre, si tous deux estiment que son postulat de base “n’est pas dénué d’intérêt”, ils s'empressent quand même d’appuyer rapidement là où ça fait mal : non, non, pas de doute, disent-ils chacun de leur côté, ce régime alimentaire n’a aucun sens !
Anthropologiquement parlant, D’Adamo a tout faux
Déjà, premier problème selon Béatrice de Reynal : "Anthropologiquement, ça n’a rien de vrai”. Le postulat de départ selon lequel chaque groupe sanguin correspondrait à un style de vie -le groupe O était celui des chasseurs, le A des cultivateurs, le B des nomades, le AB… une énigme- est faux.
En réalité, souligne la nutritionniste, “il y a plutôt eu une scission entre deux groupes : ceux qui élevaient des animaux et en consommaient les oeufs, le lait… et ceux qui cultivaient des végétaux et des céréales.. On retrouve d’ailleurs cette donnée en épigénétique : les descendants du premier groupe digèrent aujourd’hui mieux le lactose que le reste de la population, et les descendants du second digèrent plus facilement l’amidon et le gluten”.
Dès lors, ajoute-t-elle, si “le régime D’Adamo est tiré, de près ou de loin, de cette réalité anthropologique, il est bien trop simpliste”. Pis encore, commente la spécialiste, “il est allé trop loin en établissant des régimes spécifiques pour chaque groupe, d’autant plus que ceux-ci sont stricts et à éviction ce qui est toujours dangereux voir potentiellement très dangereux”.
Des régimes bien trop restrictifs
Et pour preuve, la spécialiste cite le régime conseillé aux individus du groupe A, lequel déborde de restrictions alimentaires. Des restrictions qui, selon elle, sont assez problématiques puisque les personnes qui le suivent “n’auront pas accès à tous les acides aminés dont ils ont besoin et risquent d’avoir des carences en fer et en calcium”.
Même constat pour le régime attribué au groupe sanguin O : “Le groupe des chasseurs peut manger des fruits et des légumes verts, mais son apport en matières végétales est assez limité, ce qui n’est pas très intelligent” analyse la nutritionniste.
Qu’en est-il pour les deux régimes restants ? “Pour les régimes AB et B, ça va. Cependant, en ce qui concerne le premier, les habitudes alimentaires qui y sont conseillées manquent tout de même de logique puisque qu’il y est recommandé de manger de l’agneau, mais déconseillé de manger du poulet, ce qui est ridicule” tranche Béatrice de Reynal.
Elle ajoute : “Ce manque de logique aurait dû attirer l’attention des individus voulant essayer le régime. Ils auraient dû voir qu’il était un peu douteux".
Quant à la question du lien établi entre les régimes par groupe sanguin et la pratique ou non de certaines activités sportives, la nutritionniste n’y va pas par quatre chemins : “Ca n’a pas de sens, c’est du folklore”!
Conclusion : passez votre chemin !
Et ce sont ces incohérences, pour le moins grosses, qui nous intriguent. Comment un tel régime alimentaire, aussi farfelu et critiqué à maintes reprises par la communauté scientifique peut-il avoir autant de succès ?
Pour Julien Venesson, la réponse est simple : “C’est le hasard temporaire qui a fait son succès. Il a attiré la curiosité, et comme en même temps, suivre ces régimes a poussé les individus à varier leur alimentation, ils ont quand même pu observer des retombées positives”.
De son côté, Béatrice de Reynal, est moins tendre. S’il a plu, juge-t-elle, “c’est aussi parce que les gens sont souvent mal informés et prêts à tout essayer pour perdre leurs fameux ‘trois kilos en trop’”. Or vouloir à tout prix restreindre ses habitudes alimentaires est une grossière erreur conclut la nutritionniste. En effet, rappelle-t-elle, “la première chose à faire lorsque l’on veut perdre du poid n’est pas de se priver, au contraire, mais de manger plus. Il ne s’agit, bien entendu, pas de manger n’importe quoi, mais plutôt de consommer plus de légumes, et ce en grande quantité”.
Total : toute aussi original son idée puisse-t-elle paraître, Peter D’Adamo et son régime par groupe sanguin ont tout faux. Et quant aux célébrités qui en vantent les mérites, elles doivent probablement davantage leur corps de rêve à une alimentation variée et à une pratique régulière du sport, plutôt qu’à ces règles farfelues !
