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L'avis de l'experte

Sommeil : pourquoi connaître et respecter ses rythmes biologiques est indispensable

En s'immisçant dans chaque aspect de notre quotidien, la crise sanitaire n'a fait aucune exception : elle a également impacté nos nuits, en suscitant ou aggravant des troubles du sommeil déjà existants. L'occasion de se pencher sur nos rythmes biologiques et leur impact sur notre qualité de vie. Professeure émérite de psychologie de l'éducation et autrice de l'ouvrage "Des rythmes de vie aux rythmes scolaires : une histoire sans fin", la chronobiologiste Claire Leconte nous livre ses explications.

Sommeil : pourquoi connaître et respecter ses rythmes biologiques est indispensable Motortion/iStock

  • Publié le 30.04.2021 à 03h00
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- Comment les rythmes biologiques fonctionnent-ils ?

Claire Leconte : Grâce à de nombreuses horloges qui se trouvent dans les cellules, la peau, le cœur, le cerveau, le foie, la vésicule… Dans tout l'organisme, en somme. Pour être en bonne forme, il faudrait qu'elles soient toutes synchronisées. Au niveau du rythme circadien de 24 heures, il en est quatre particulièrement importantes : la vigilance physiologique, la température centrale, le cortisol – l'hormone dite du stress – et la mélatonine – celle du sommeil. Les trois premières se trouvent à leur seuil le plus bas dans la nuit. Pour la dernière, c'est l'inverse : c'est là qu'elle est à son pic, car sa synthèse commence généralement autour de 2 heures du matin. Ensuite, la température a tendance à augmenter environ 1h30 avant le réveil spontané. Le cortisol, quant à lui, atteint son pic juste avant l'éveil, pour être à son meilleur niveau le matin, de même que la vigilance physiologique. 

- Est-il possible que ces horloges se désynchronisent ?

Oui, c'est le cas lorsque l'on regarde un écran dans l'heure qui précède l'endormissement. Comme il renvoie un flux bleuté très proche de la lumière naturelle, le noyau suprachiasmatique – un amas de cellules placé au dessus du croisement des nerfs optiques – qui n'est autre que notre horloge biologique principale, est trompé. Il pense que c'est le jour qui se poursuit, donc il n'envoie pas les bons messages aux autres horloges pour leur dire que c'est le moment de s'endormir. Nous avons aussi le tort de nous coucher plus tard le week-end et pendant les vacances. Or, un adulte se désynchronise dès que son endormissement est décalé de trois à quatre heures, tandis qu'il suffit qu'il le soit de deux à deux heures et demie chez l'enfant. Là-dessus, s'il ne que faut 48 heures à la vigilance physiologique pour s'adapter au rythme, le cortisol et la mélatonine nécessiteront deux semaines.

- Sommes-nous égaux face au sommeil ?  

Non, et, justement, il faut apprendre à se connaître, parce qu'il existe des typologies très marquées. Chez les enfants, dès l’âge de un an, un an et demi, on peut repérer les petits, moyens et gros dormeurs, avec une différence de près de deux heures entre ces premiers et ces derniers. C'est important d'observer ses enfants – en sachant qu'il peut y avoir des différences au sein d'une même fratrie – car on ne doit jamais empêcher un gros dormeur de dormir ce dont il a besoin, ni obliger un petit dormeur à dormir davantage ; on finirait par provoquer chez lui une phobie du sommeil. À la puberté, un retard de phase physiologique se produit : toutes les horloges sont décalées d'une heures vers le haut, aussi bien pour la faim que l'heure d'endormissement. 

- La puberté est-elle synonyme de changements au niveau des rythmes biologiques ?

Oui, elle correspond au moment où une autre typologie se met en place. Celle-ci donne lieu à trois grandes catégories : les matinaux – les lève-tôt – les intermédiaires et les vespéraux – les couche-tard, qui n'arrivent pas à s'endormir avant 1 heure, voire 2 heures du matin. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il y a autant de matinaux que de vespéraux chez les adolescents ; si tous ont tendance à se coucher tard, c'est pour faire comme leurs amis. Le problème, c'est qu'ils seront forcément réveillés tôt en raison de leur horloge spontanée, qui sonnera toujours à la même heure. De la même manière, prenons un vespéral qui ne s'endort pas avant 2 heures, et qui, en plus, est un gros dormeur. Il aura besoin d'une nuit d'au moins 9 heures, donc, s'il doit être au lycée à 8 heures, ce sera compliqué pour lui.

D'où l'importance que les établissements cessent de commencer les cours à 8 heures, imposant parfois des transports en commun à partir de 7 heures, ce qui signifie un réveil à 6 heures. Cela veut dire que l'on supprime pratiquement le dernier cycle de sommeil, essentiellement constitué du sommeil paradoxal. Or, il est important de le conserver car c'est lui qui nous aide à retenir les informations acquises dans la journée. Par exemple, des essais menés en Angleterre et aux États-Unis ont prouvé qu'en retardant l'heure de démarrage des cours des lycéens, leurs résultats scolaires s'amélioraient nettement. Puis, c'est moins grave qu'ils terminent un petit peu plus tard leur fin de journée car ils sont décalés d'une heure, avec le retard de phase physiologique. 

- Quelles conséquences risque-t-on en allant à l'encontre de son rythme ? 

Les effets sur la santé sont assez délétères. Une étude a montré que certains travailleurs de nuit avaient développé des cancers parce qu'ils ont complètement bousculé leur rythme biologique. Dans une moindre mesure, la fatigue entraîne un manque de patience et des énervements chez les adultes, ainsi que des comportements agressifs et perturbateurs chez les jeunes enfants. Des chercheurs britanniques en ont suivi plus de 10 000, âgés de trois ans, cinq ans, et sept ans. Ils ont remarqué qu'à sept ans, les plus distractibles et asociaux étaient ceux qui, à partir de trois ans, faisaient régulièrement l'objet de retards de couchers. En dressant le même constat dès l'âge de cinq ans, ils ont proposé à certaines familles de remettre en place une régularité dans les horaires de leurs enfants. Résultat : chez celles qui l'ont fait, les enfants n'avaient plus ces comportements. Cela prouve à quel point la régularité est importante. 

Quand on respecte notre rythme, les bienfaits sont indéniables : notre système immunitaire est plus performant, et on est en meilleure forme à tout point de vue, physique comme psychologique. C'est pour cela qu'il est important d'apprendre à identifier ses besoins dès l'enfance. J'ai beaucoup travaillé dans les écoles, dès la maternelle, en ce sens. Un tout petit ne dira jamais qu'il est fatigué, car il n'a pas le sentiment de l'être. Mais, quand on pointe chez lui des comportements qui le prouvent, par exemple qu'il baille, bouge sur sa chaise ou tournicote ses cheveux, et qu'on lui demande pourquoi il fait cela, il prend conscience qu'il en a besoin pour tenir éveillé. Plus on travaille tôt sur la connaissance de soi-même, plus on devient acteur du respect de son rythme.

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