Nutrition et sport sont indissociables. Quel que soit son niveau, dès lors que l'on pratique une activité régulière, adopter une bonne hygiène alimentaire est essentiel. "En fonction de la discipline que l'on exerce, l'idée est d'équilibrer les différents substrats énergétiques nécessaires à l'organisme", explique Bénédicte Le Panse, docteure en physiologie. Ces substances sont les protéines – les constituants de la masse musculaire – les glucides – autrement dit, les sucres – et les lipides – les graisses. "Bien combinées, elles nous permettent d'être davantage en forme, d'éviter les blessures, de récupérer plus vite, donc d'être moins fatigué, et d'encaisser les entraînements", assure la championne du monde de force athlétique.
Avant de détailler les différentes associations d'alimentations et de catégories de sports, il est indispensable de comprendre comment fonctionne le corps. La clé réside dans les glucides : ce sont eux qui représentent l'énergie essentielle à l'effort. "On a souvent tendance à les restreindre un petit peu, voire à les supprimer, quand on cherche à perdre du poids, mais c'est une grosse erreur", alerte l'ancienne gymnaste de haut niveau. En effet, c'est sans compter le but de tout sportif : être en forme, performant. "Pour ce faire, notre glycémie – taux de glucose dans le sang, ndlr. – doit être stable", reprend l'experte. Or, si l'on ne mange pas en quantité adéquate, le corps réagit.
Dès que le glucose circule dans le sang, il déclenche l'insuline, une hormone hypoglycémiante. Et, face à une quantité de glucose trop importante, le pancréas la stimule. "Un pic de glycémie du à une trop grande ingestion de glucides entraînera une chute de la glycémie", indique Bénédicte Le Panse. Le hic : en dents-de-scie, elle génère une fatigue, une contre-performance. "De fait, il faut calculer correctement le taux de sucres dont on a besoin, martèle la docteure en physiologie. À cela s'ajoutent des paramètres tels que l'adrénaline, l'intensité de l'exercice, l'émotion, le stress, l'état d'esprit, et diverses stimulations hormonales. Tout cela génère des pics d'hormones, qui videront les réserves de glycogène".
L'énergie, directement liée aux glucides
L'experte fait allusion aux stocks de sucres primordiaux que l'on possède naturellement dans le muscle – le glycogène musculaire, utilisé par l'effort en lui-même – et dans le foie – le glycogène hépatique, mobilisé par les situations hormonales induites par l'exercice. C'est dans ces réserves que le corps puise lorsqu'il nécessite de l'énergie. "Par exemple, l'utilisation du glycogène hépatique du aux stimulations hormonales est plus marquée chez un haltérophile que chez un marathonien, parce que l'intensité d'entraînement est plus élevée, illustre la sportive de haut niveau. Comme les hormones stéroïdiennes et peptidiques – telles que la testostérone et l'hormone de croissance – sont davantage stimulées, on obtient une déplétion glycogénique".
C'est pour cela que l'alimentation est d'une importance considérable : si l'on n'apporte pas à son organisme le bon carburant, les bons glucides, les stocks finissent par se vider. Néanmoins, quand le corps a besoin d'énergie supplémentaire pour réaliser un effort, donc de sucres, et qu'il en manque, il en fabrique. Détrompez-vous : il n'utilise pas directement la masse grasse, du moins pas complètement – ce serait trop facile. Non, il crée du sucre à partir de molécules non glucidiques. Ce phénomène, c'est la néoglucogenèse. "Le corps se sert des acides animés qui constituent les protéines, développe Bénédicte Le Panse. Il utilise un petit peu de lactate, un produit généré par l'effort, puis du glycérol, qui est une bonne graisse".
Le problème, c'est qu'avec ce procédé, l'organisme provoque de la fonte musculaire, ce qui ralentit le métabolisme, et, surtout, la thyroïde, qui en est le gros moteur. "Donc si on a un objectif de performance en plus de la perte de poids, on est mal barré !", s'exclame la docteure en physiologie. Car, en se lançant dans un sport, il convient de réfléchir aux objectifs auxquels il donne lieu, puisqu'ils varient d'une discipline à l'autre, de même que le type d'alimentation approprié pour y parvenir.
Des efforts intenses et courts : la filière anaérobie
On distingue trois grandes filières énergétiques : anaérobie alactique, anaérobie lactique et aérobie. Dans cet article, nous nous intéresserons uniquement aux deux premières – mais, si la troisième vous intéresse, cliquez ici. D'abord, la filière anaérobie alactique concerne des sports de très haute intensité, avec des exercices pouvant aller jusqu'à 15 secondes, et des temps de récupération longs entre chaque série. L'haltérophilie, le renforcement, la musculation, les sprints, les sauts, ou encore les lancers, font partie de cette catégorie.
La filière anaérobie lactique, désormais. Moins intenses, les efforts s'échelonnent entre 15 secondes et deux minutes. Ainsi, elle est constituée de disciplines telles que le 200 mètres, le 400 mètres, le 800 mètres, les sports collectifs qui enchaînent des accélérations, ou encore ceux de combat. Vous l'aurez compris, nous allons regrouper les filières anaérobie alactique et lactique sous la même famille : l'anaérobie, synonyme d'efforts courts, peu demandeurs en oxygène et utilisant principalement le glycogène. "Les deux grandes familles ont des objectifs différents, rappelle Bénédicte Le Panse. Dans l'anaérobie, on cherche l'explosivité, la force maximale, et, éventuellement, la perte du gras. Pour avoir une masse musculaire plus importante, on travaille des points précis à l'intérieur du muscle, notamment sur la fibre musculaire".
Une alimentation riche en protéines
De fait, la docteure en physiologie recommande une alimentation riche en protéines et hyperglycémique – donc riche en sucres, c'est-à-dire en féculents – pour les bodybuilders notamment, dont l'objectif est la prise de volume. "Ce sont les sucres qui entrent dans les cellules et donnent cet effet baudruche", détaille-t-elle. Elle prend l'exemple d'une personne qui se rend en salle de musculation afin de se développer, mais qui a l'habitude de se nourrir exclusivement de poisson et de légumes. "Même si l’entrainement est bon, elle n'arrivera jamais à atteindre son objectif car l'alimentation ne suit pas", assure l'experte. Pour le 400 mètres ou le 800 mètres, le but ne sera pas le volume, puisque la performance passera davantage par le fait de toujours avoir un stock d'énergie, donc de glycogène. Encore une fois, c'est l'alimentation qui va le procurer.
"Quelle que soit sa discipline, on sera entre 1,6 grammes et 2 grammes de protéines par kilo de poids de corps chaque jour, selon le niveau, explique la championne du monde de force athlétique. Pour la personne lambda qui se met au sport, on tourne entre 0,8 grammes et 1 gramme par kilos de poids de corps, voire 1,2 grammes maximum". En somme, si vous êtes débutant et que vous pesez 70 kilos, il vous faudra entre 56 grammes et 70 grammes de protéines au quotidien, voire 84 grammes. Ensuite, il s'agit de personnaliser l'apport en glucides en fonction du nombre d'entraînements et de son métier : d'un maçon à un informaticien, il ne sera pas le même.
"On tourne environ entre 5 à 7 grammes par kilo de poids de corps chaque jour", estime Bénédicte Le Panse. Dans l'anaérobie, les risques de néoglucogenèse sont limités : puisque les efforts sont très courts et intenses, le corps utilisera principalement son glycogène. "En parallèle, pour éviter la déplétion glycogénique, donc de vider ses stocks, il convient de prendre une collation avant et après l'effort", ajoute la docteure en physiologie. Ainsi, le dosage de féculents sera plus important, de même que le quota de sucres, réparti sur les collations.
Attention aux pics de glycémie
Pour y voir plus clair, appuyons-nous sur un programme quotidien. Néanmoins, une précision avant de le détailler : les doses données ci-dessous le sont à titre indicatif. Il faut bien garder à l'esprit que tout est une question de personnalisation, d'adaptation à son morphotype, et à la fréquence de sa pratique sportive, donc à ses besoins. "Les quantités sont importantes, on ne se ressemble pas tous", insiste l'experte, en rappelant qu'il existe plusieurs profils de sportifs, du débutant au confirmé, en passant par l'intermédiaire.
Ce paramètre en tête, revenons à notre journée type. Elle débutera par un petit-déjeuner constitué de deux à trois tranches de pain, d'œufs ou de jambon à volonté, et de 10 grammes de beurre. "Ceux qui le souhaitent peuvent le remplacer par du fromage", envisage Bénédicte Le Panse. Même si vous n'aimez pas le salé le matin, évitez la confiture car elle a un index glycémique rapide : elle générera un pic de glycémie haut, ce qui risque de provoquer des fringales par la suite. Cependant, il est possible de manger deux à quatre cuillères à soupe de céréales, flocons d'avoine ou muesli, ou encore du fromage blanc, ou du yaourt avec un petit peu de sucre.
Dans une quête de performance, avec éventuellement un objectif de perte de poids, les fruits ne sont pas conseillés au petit-déjeuner. "Le matin, le fructose induit un pic", souligne la docteure en physiologie. Néanmoins, elle recommande de prendre une petite collation, plus tard dans la matinée, en préférant un ou deux carrés de chocolat noir aux noisettes, ou à la fleur de sel. Cet encas peut également être composé de fructose, que l'on trouve dans les fruits, les jus et les compotes – ces dernières sont à varier entre 100 et 200 grammes selon les gabarits – ou une dizaine d'amandes, de noix de cajou, de noisettes, ou encore de pistaches.
Favoriser la viande le midi
À midi, il est conseillé de consommer du poisson ou de la viande – en la favorisant. Pour le dosage, repérez-vous en fonction de votre taille : si vous mesurez 1m65, vous pouvez en consommer en moyenne 165 grammes. Si l'on n'aime ni la viande, ni le poisson, l'experte conseille de leur substituer des œufs, sous forme d'omelette, par exemple. "Les végétaliens peuvent recourir à des protéines végétales, comme les légumineuses, envisage-t-elle, en évoquant notamment les lentilles, les haricots et les pois. Pour que cela n'augmente pas la quantité de glucides, ils peuvent les associer aux féculents, en faisant moitié-moitié".
Qu'elle quelle soit, accompagnez votre source de protéines de féculents, comme des pâtes, du riz, ou des pommes de terre. "Selon les gabarits, il vaut mieux varier entre quatre et huit cuillères à soupe cuites", précise Bénédicte Le Panse. Aussi, elle préconise d'éviter le beurre et de lui préférer l'huile, qu'il convient de doser à 1 gramme par kilo de poids de corps, soit une – voire deux – cuillère à soupe. Enfin, les légumes sont à consommer à volonté. Si vous en ressentez l'envie, vous pouvez ajouter un petit fromage blanc ou un yaourt.
Une collation "judicieuse" avant l'effort
"L'après-midi, le corps a besoin de sucres", poursuit l'experte. De fait, il ne faut pas négliger les collations. "On a des pics d'hormones dans la journée, reprend-elle. Ils correspondent à une stimulation d'enzymes propre à chaque aliment. Cela veut dire que si on les ingère au bon moment, ils seront absorbés correctement". Si les quantités sont bonnes, les aliments ne se transformeront pas forcément en cholestérol, ni en triglycérides – autrement dit, en lipides. Par ailleurs, les jours où l'on ne pratique pas de sport, le corps nécessite des sucres rapides – à index glycémique élevé. On peut donc opter pour deux à trois carrés de chocolat, du fructose, du gâteau fait maison, ou, pourquoi pas, des bonbons.
"Les oméga 3 et les oméga 6, que contiennent les amandes et les fruits secs, sont également excellents, assure la docteure en physiologie. Ils stabilisent la glycémie". Si l'on compte réaliser un effort dans l'après-midi, il vaut mieux prendre une collation auparavant, cette fois constituée de sucres lents. "Elle doit être judicieuse, souligne Bénédicte Le Panse. Le but est de ne pas avoir d'index glycémique haut, car on risque une glycémie en dents-de-scie dans les heures qui viennent". Elle conseille d'ingérer une part de glucides et une de protéines, qui stabiliseront davantage la glycémie et retarderont l'utilisation du glycogène musculaire et hépatique.
"Le fructose renfloue les réserves de ce dernier, tandis que les autres sucres concernent les stocks de glycogène musculaire", détaille l'ancienne gymnaste de haut niveau. Les encas peuvent prendre la forme de féculents associés à une barre protéinée, ou d'une tranche de jambon avec du pain. "Ces collations sont vraiment petites, comme des shots, insiste l'experte, en indiquant que l'on ne doit pas se sentir lourd, ni avoir le ventre plein. Il s'agit d'éviter la déplétion glycogénique en maintenant le cap avec un taux de sucres parfait". Ainsi, on ne risque pas la néoglucogenèse, ni l'acidité. Précisons-le : autant pour les collations que les repas, il convient d'attendre en moyenne au moins 45 minutes après avoir mangé pour pratiquer une activité sportive, le temps que les aliments passent dans le sang.
Se faire plaisir
L'effort terminé, vient une nouvelle collation : une part de protéines couplée à des sucres rapides. "Ils sont utilisés pour re-synthétiser ce qui a été dépensé pendant l'entraînement, explique Bénédicte Le Panse. La quantité de protéines doit être assez conséquente car on recherche de la prise de masse musculaire". Elle recommande d'absorber l’équivalent de 30 à 40 grammes de protéines, soit 200 grammes de fromage blanc, deux à trois tranches de jambon blanc, ou une banane non mûre. Il ne faut pas non plus négliger l'hydratation, d'autant que le glycogène nécessite de l'eau : 1 gramme de sucre tient 2,7 grammes d'eau. "Sinon, le risque est d'avoir des troubles gastriques", avertit la docteure en physiologie.
Au dîner, elle préconise un repas plus léger qu'à midi : trois à quatre cuillères à soupe cuites de féculents, toujours dans l'optique de la prise de poids, associées à des légumes, avec une – ou deux – cuillère à soupe d'huile d'olive, et du poisson à volonté, à préférer à la viande. "Mais rien n'empêche de manger de la viande rouge de temps en temps", nuance-t-elle. Vous pouvez ajouter un fromage blanc ou un yaourt, comme au déjeuner. Néanmoins, si vous n'avez pas pratiqué de sport dans la journée, contentez-vous des légumes. Enfin, Bénédicte Le Panse encourage d'oublier les stéréotypes du corps, le temps d'un jour ou d'un – voire plusieurs – repas dans la semaine, afin de se faire plaisir.
"Ce sont des 'jokers'. Cela fait du bien, que ce soit au moral ou au psychologique, estime-t-elle. Le physiologique ne s’en portera pas plus mal. Bien manger ne veut pas dire forcément tout refuser : il ne faut pas qu’il y ait de contraintes, ni de frustrations. On a le droit à tout. Soit on cherche la performance, soit ce n'est pas le cas". Désormais, vous avez les clés en main pour mettre votre alimentation au service de votre pratique sportive et trouver l'équilibre entre l'entraînement et l'alimentaire. Cependant, n'oubliez pas qu'une règle supplante les meilleurs programmes : s'écouter. Cela passe par manger à sa faim, ni plus, ni moins.