« Lorsqu'il s'agit de créer un fonds d'indemnisation pour les victimes d'accidents corporels, ça dépend toujours du bon vouloir de l'Etat. Cela doit donc se traduire par un acte formel pris par le gouvernement », explique à pourquoidocteur Me Philippe Courtois, l'un des avocats des victimes dans l'affaire des implants mammaires défectueux de la société Poly Implant Prothèse (PIP).
L'avocat a déposé ce mardi un recours à l'encontre de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour « discrimination » de traitement indemnitaire. En effet, dans l'attente d'une décision finale de la justice, les 30 000 victimes de Jean-Claude Mas, n'ont toujours reçu aucune indemnisation pécuniaire.
« Les conditions pour créer un fonds réunies »
Dans cette affaire, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné au mois de décembre 2013 le fondateur de la société PIP, Jean-Claude Mas, à quatre ans de prison ferme et 75 000 euros d'amende pour des faits de tromperie aggravée et d'escroquerie, dans le cadre du premier volet pénal de ce dossier. Quatre autres cadres de l'entreprise ont également été condamnés.
Le jugement, dont Jean-Claude Mas a fait appel, prévoit le versement de 40 millions d'euros sous forme d'indemnités aux victimes. Malheureusement, tous les responsables de la société PIP, placée en liquidation judiciaire, ont été déclarés insolvables, tandis que la décision du tribunal n'a pas été assortie d'une exécution provisoire.
« On a des victimes d'un scandale de santé publique, on a un jugement qui reconnaît la responsabilité pénale de certaines personnes, et enfin, on sait d'ores et déjà qu'à cause de leur insolvabilité, c'est l'Etat qui va au final indemniser les victimes. Pour toutes ces raisons, j'estime que toutes les conditions sont réunies pour créer un fonds d'indemnisation qui viendrait en aide aux victimes. Plus rien ne justifie désormais d'attendre », s'exclame Me Philippe Courtois.
Ecoutez Me Philippe Courtois, avocat des victimes : « Il n'y a aucune raison pour que l'Etat n'utilise pas les fonds qui existent déjà pour indemniser les victimes des prothèses PIP...»
« L'exception pour les victimes de PIP ne peut plus durer »
Surtout qu'en France, de nombreuses victimes de scandales sanitaires ont pu dans le passé saisir un fonds d'indemnisation qui avait été créé spécialement par l'Etat. « Parfois, cela même avant une première condamnation des personnes présumées coupables », rajoute Me Courtois.
Ainsi, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) gère notamment les demandes liées au Mediator (benfluorex, Servier), aux surridiations de l'hôpital d'Epinal (Vosges), aux vaccins, à la maladie de Creutzfeld-Jakob ou aux contaminations par le VIH ou le VHC. Par ailleurs, une autre structure différente a été mise en place pour le scandale de l'amiante, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).
Les explantations préventives stagnent
Face à cette situation « inédite », l'avocat bordelais appelle le gouvernement à anticiper, sans attendre les jugements en appel. Et d'après lui, il y a urgence dans cette affaire. Me Philippe Courtois fait en effet remarquer que les explantations préventives de prothèses mammaires frauduleuses PIP par des femmes porteuses sont en stagnation.
De fin mai 2013 à fin septembre 2013, ce sont 505 nouvelles femmes qui se sont fait retirer leurs implants PIP, sans pour autant présenter de signes d’alerte, d'après le dernier bilan publié par l'Agence de sécurité du médicament. Selon l'avocat de ces victimes, la moitié des femmes concernées par ce gel de silicone frauduleux, toujours présent dans leur corps, n'ont pas les moyens financiers pour se faire retirer leurs prothèses.
Ecoutez Me Philippe Courtois : « La Sécurité sociale prend en partie les frais liés à l'explantation. Mais aller trouver un chirurgien qui accepte d'intervenir au tarif de la sécu, il n'y en a quasiment aucun. Au final, c'est au minimum 1500 euros pour se faire retirer...»
Enfin, si la ministre de la Santé ne donne pas suite au recours, ou si elle ne répond pas dans un délai de deux mois, Me Philipppe Courtois a indiqué qu'il entendait poursuivre sa démarche devant le tribunal administratif.
Plus de 300 000 femmes dans le monde ont eu recours aux prothèses de la société française créée en 1991. PIP aurait vendu ses implants dans environ 65 pays.
En France, où des prothèses ont été implantées à quelque 30 000 femmes, le gouvernement avait recommandé, par précaution, le retrait de ces implants en décembre 2011.