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Cirrhose, cancers

L’alcool est 2 fois plus meurtrier au féminin

A consommation égale d’alcool, une femme a deux fois plus de risques d’en mourir qu’un homme. Vulnérabilité physiologique et repérage tardif des consommations à risque jouent contre les femmes.

L’alcool est 2 fois plus meurtrier au féminin   PureStock/SIPA

  • Publié le 11.04.2014 à 10h00
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L’égalité entre les sexes ne s’applique pas non plus en matière d’alcool. Les femmes sont plus vulnérables que les hommes à ses effets et à ses méfaits. Des chercheurs de l’Université de Pékin en Chine ont passé en revue 24 études, menées sur différents continents pour comparer le risque de décès des gros consommateurs d’alcool selon leur genre. Le risque de mortalité toutes causes confondues est multiplié par 1,5 pour une femme consommant quotidiennement 75g d’alcool (environ 7 verres standards) par rapport à un homme ayant la même consommation. Le facteur multiplicatif atteint même 2,5 en défaveur de la gent féminine pour les consommations plus importantes, de l’ordre de 10 doses standard par jour, soit 100g d’alcool quotidiens.

 

Une capacité de dégradation de l’alcool ralentie

 

« Il est clair qu’il y a une fragilité de la physiologie féminine vis-à-vis de l’alcool. Même s’il faut se méfier des comparaisons de mortalité toutes causes car on sait que l’alcool ne tue pas les hommes et les femmes de la même façon. Par exemple, les femmes sont très peu concernées par les décès sur la route liées à l’alcool, nuance le Dr Patrick Daimé, médecin généraliste et addictologue à Rouen. L’explication physiologique est multiple. D’une part le foie féminin dégrade l’alcool plus lentement que son homologue masculin, ce qui explique qu’à consommation égale, l’alcoolémie d’une femme soit plus élevée que celle d’un homme. D’autre part, l’alcool a tendance à se concentrer davantage dans les masses musculaires, moins présentes dans les gabarits féminins.

 

Ecoutez le Dr Fatma Bouvet, psychiatre et addictologue à Paris, auteur de Les Femmes face à l’alcool. Résister et s’en sortir (Odile Jacob, 2010) : « Les femmes ont davantage de tissu adipeux, donc la masse musculaire dans laquelle diffuse l’alcool est moins importante. Il y a un effet de concentration. » 

 

 

Des complications plus rapides et plus sévères

Sans même parler de la période de la grossesse où l’alcool affecte directement le fœtus, les conséquences délétères de l’alcool sur le foie, le sein ou encore la sphère digestive sont donc observées plus tôt chez les femmes que chez les hommes. « A consommation d’alcool comparable, on sait qu’une femme aura tendance à faire une cirrhose du foie plusieurs années avant un homme », souligne le Dr Daimé. « Et la cirrhose chez la femme a souvent une forme sévère et plus souvent fatale que chez l’homme », poursuit le Dr Bouvet.

 

Ecoutez le Dr Fatma Bouvet : « Les femmes consultent au bout de 15, 20 ans d’alcoolisme. Les complications se sont déjà installées, physiquement, psychiquement mais aussi socialement et familialement. » 

 

 

Une consommation problématique plus difficile à repérer

Le repérage précoce des problèmes d’alcool est une vraie difficulté pour les 2 sexes. « L’alcool a une image très positive, festive et conviviale en France. La seule représentation négative c’est l’image d’Epinal de l’alcoolique, sou tous les jours, qui bat sa femme et a perdu son travail. Tout ce qu’il y a entre l’alcool convivial et la grande alcoolodépendance n’est pas représenté. Donc pour les Français, tant qu’on n’est pas alcoolique, il n’y a pas de problème ! », explique Patrick Daimé, par ailleurs secrétaire général de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Or c’est faux, l’alcool présente des dangers bien avant la dépendance. Selon une étude menée par l’Institut Gustave Roussy publiée en 2013, l’alcool est responsable de 49 000 décès par an en France. « La moitié de ces 49 000 personnes n’étaient pas du tout dépendants. C’est justement avant la dépendance, au stade de l’usage à risque, lorsque la consommation devient excessive, qu’il est plus efficace d’intervenir », souligne le Dr Daimé. Les recommandations encouragent d’ailleurs les médecins généralistes à interroger tous leurs patients sur les quantités d’alcool qu’ils consomment et cette simple intervention du médecin traitant permet à 30% des personnes concernées de réduire d’elles-mêmes leur consommation. Ce repérage précoce est particulièrement important chez les femmes car leur consommation problématique d’alcool est souvent discrète.

 

Ecoutez le Dr Patrick Daimé, médecin généraliste au Petit-Quevilly (76) et responsable du centre d’alcoologie du CHU de Rouen : « Chez les femmes, l’alcoolisation a souvent un but psychotrope, calmer ses angoisses, soulager sa dépression ou parvenir à dormir. C’est plus difficile à repérer. »


 

Inquiétude supplémentaire pour ces experts : chez les jeunes, l’augmentation des épisodes d’ivresse ponctuelle et la tendance du binge drinking n’épargnent pas les filles. Or leur âge et leur sexe les rendent doublement vulnérables. « La prévention de la maladie alcoolique reste très insuffisante en France, regrette Fatma Bouvet. La question est encore trop taboue pour être véritablement et efficacement abordée dans les collèges et lycées ou dans les entreprises ».

La stratégie nationale de santé que Marisol Touraine doit présenter d’ici la fin de l’année met l’accent sur la prévention. La feuille de route ministérielle de l’axe n°1 baptisé « Prioriser la prévention sur le curatif et agir sur les déterminants de santé » ne mentionne même pas le mot alcool... 

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